The J Geils Band

“THE J GEILS BAND”

ATLANTIC

Lorsqu’il était étudiant au collège de Boston, Peter Wolf partageait sa chambre avec un type bizarre qui lui racontait plan par plan des films de Truffaut toute la nuit. Un nommé David Lynch. C’est poliment que le futur chanteur du J Geils Band écoutait le futur cinéaste. Wolf avait passé son enfance à New York, donc rôdé du côté de l’Apollo de Harlem et il pouvait narrer à Lynch d’intenses concerts de James Brown, voire des apparitions de Jackie Wilson. Un jour béni, Wolf se dénicha un job de DJ sur WBCN et on le crut casé, déblatérant toute la nuit des insanités en argot jive, passant des faces rares de Clyde McPhatter ou des Contours. J Geils est un guitariste qui fonde le J Geils Blues Band. Il jouait les trois mesures avec un oeil sur Hendrix et un autre sur Magic Dick, son harmoniciste prodige. Rencontre des compères (hasard et destin). Tout bascule. Le DJ à la redresse devient chanteur à la coule. Le légendaire club Tea Party (qui avait vu des gigs énervés du Velvet ou de Led Zep) devient la niche du groupe prometteur qui sera signé 30 000 dollars par Atlantic. Le rêve des collectionneurs de disques de Chuck Willis et des Clovers est devenu réalité. Voilà pourquoi, paralysé de trac dans un studio de New York, le J Geils Band ne parvient à rien. Les deux producteurs maison, Dave Crawford et Brad Shapiro, se font remonter les bretelles. Au bout de deux jours d’agonie, un Jerry Wexler furibard déboule et tonne : “Faites-moi votre set de concert, que je comprenne ce qui cloche.” Soudé comme un poing, le J Geils Band attaque “Wait”. Clin d’oeil de Wexler en direction de l’ingénieur Jay Messina : “Enregistrez !” Onze morceaux et trente-quatre minutes plus tard, le J Geils Band, sans jamais s’en rendre compte, a terminé son premier et meilleur album de tous les temps. “Une production

exemplaire”, confirmera Wexler dans ses mémoires et, à la réécoute plus de quarante ans après, on le croit.