Rock & Folk

Santana

“ABRAXAS”

- PHILIPPE MANOEUVRE

COLUMBIA

Santana avait été le vainqueur surprise du festival de Woodstock. C’est en plein trip de mescaline que Carlos était apparu devant un demi-million de babas cool et, suite à ce fantastiqu­e solo du “Soul Sacrifice”, suite à la folie collective qui s’était emparée de la Nation Woodstock, Santana et ses hommes avaient désormais une cargaison de dollars à brûler. Un an auparavant, les Santana n’étaient rien. Soudain ils tournaient avec Country Joe & The Fish. La radio rediffusai­t en boucle la chanson qu’ils avaient écrite sur leur manager Bill Graham, “Evil Ways”. Mais Santana restait un groupe de violents, de durs de durs. Carabello, le joueur de congas, s’était offert une Harley pour pouvoir chevaucher avec ses frères Hells Angels. Tout le gang vivait dans un brouillard de défonce lorsque, en réunion de groupe, Gregg Rollie, l’organiste, annonça qu’il avait bien envie de reprendre ce truc de Fleetwood Mac, “Black Magic Woman”. Ainsi commença l’enregistre­ment de “Abraxas”, deuxième album de Santana. Le groupe répétait douze heures par jour, ne s’échappant de son local dûment insonorisé par les charpentie­rs du Dead que pour jammer dans la Baie. C’est tout cela que raconte “Abraxas”, ce mélange pas si évident de mentalités. Santana était constitué de super-musiciens de banlieue alliés à de super-prolos urbains, tous soudés pour jouer une musique world aussi novatrice que violente. Personne au monde n’avait osé rêver une musique aussi percussive, venue d’ailleurs. Les Santana de 1970 sont une meute de loups. Les drogues dures se répandent dans le groupe comme un cancer. Gonflé, Santana donne des benefits pour les Black Panthers, jamme avec Miles Davis. Alors “Abraxas”... Ce qui reste de l’expérience, c’est ce mystère autour du guitariste mexicain, ses crises de rage blanche, ses silences, ses solos qui foudroient l’auditeur et la seconde d’après la sensualité tranquille de “Samba Pa Ti”. Bien sûr, ce que les hommes de Santana définissen­t derrière lui est bel et bien le premier exemple de world music. A San Francisco en 1970, on parlait de cubano

rock. Le succès de “Abraxas” fut énorme. Le disque allait passer des mois haut perché dans les charts américains, pour être vite rejoint par des efforts de plus en plus exigeants, “Santana III” et “Caravanser­ai”, disques remarquabl­es d’une bande de gamins des rues devenus stars du rock.

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