Rock & Folk

Can

“TAGO MAGO”

- JEAN-PIERRE SIMARD

SPOON

Can restera à jamais un groupe mythique pour tous ceux qui ne l’ont jamais vu sur scène, inoubliabl­e pour les veinards qui eurent l’occasion d’assister à ses concerts entre 1969 et 1978. Question descendanc­e, c’est le groupe allemand qui a le plus influencé la new wave, de Joy Division à PiL en passant par Gang Of Four, et celui qui invente l’ambient avec “Future Days”, des années avant Eno. Formé de Holger Czukay (bassiste, metteur en sons, ancien élève de Stockhause­n), de Michael Karoli (guitariste et violoniste de jazz-blues et rock, ex-élève de Czukay), d’Irmin Schmidt (maître de chapelle à Cologne, organiste et joueur de synthétise­ur qui voulait aussi créer une musique pop et accessible) et enfin de Jaky Liebezeit, batteur protéiform­e au tempo de velours, proche des polyrythmi­es d’Elvin Jones (batteur de John Coltrane). On y vit deux chanteurs : Malcolm Mooney (sculpteur américain qui n’avait jamais chanté auparavant) sur “Can Soundtrack­s” et “Monster Movie”, et Kenji

Damo Suzuki, chanteur de rue intercepté à la terrasse d’un café qui marqua des disques essentiels du groupe : “Tago Mago” qui nous occupe ici, “Ege Bamyasi” et “Future Days”. “Tago Mago” emprunte son nom à un magicien et lui renvoie un son resté énorme, ensorcelé de paganisme électroaco­ustique et de brillance jamais égalée. On y trouve deux longs titres : “Halleluwah” (18’32) et “Aumgn” (17’22), (formule magique d’Aleister Crowley), et des titres qui vont de 4 à 11 minutes, “Paperhouse”, “Mushroom”, “Oh Yeah”, “Peking O” et “Bring Me Coffee Or Tea”. Si le groupe s’est réuni, c’est contre la façon de faire et de distribuer la musique. Méthode de compositio­n simple : chacun entre dans un mouvement qui lui est propre, à l’instant qui lui convient. Une rythmique peut être suivie par des vagues bombardièr­es d’orgue ou de piano free et voir se faufiler quelques arpèges, pour monter en une crispation continue jusqu’à l’instant où tout se brisera pour mieux se recomposer ensuite, comme c’est le cas dans “Peking O” et “Bring Me Coffee Or Tea”. L’autre astuce de Can, c’est une utilisatio­n des instrument­s dans des contextes détournés. Ainsi une guitare ne fera jamais de solo dans un seul registre mais ouvrira sur un plan west-coast pour abandonner celui-ci sur des crissement­s ou des bruits d’avion. Toujours aussi mystérieux et abouti, un peu plus de quarante ans plus tard.

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