Rock & Folk

The Doors

“LA WOMAN”

- FRANCK ROY

ELEKTRA

Soudain les choses sont forcément différente­s. Le dernier Doors. La pute de Los Angeles, cité perdue où les anges n’ont plus d’ailes. Le premier “Greatest Hits” vient de paraître, il s’appelle naturellem­ent “13” et Morrison déteste cette pochette marbrée d’un roi lézard au torse glabre et glacé, bien loin du demi-dieu barbu et bouffi depuis longtemps, qui râle et torture ses vers rampants, chansons terribles du bout de l’histoire. Du fond de la route. L’enregistre­ment de “LA Woman” a lieu quelques semaines après le terrible et tout dernier concert que les Doors donneront ensemble, c’était à la Nouvelle Orléans. Car que se passe-t-il début 1971, alors que Jim fait glisser goutte-à-goutte le whisky sur le miroir, seul, avec Stephen Stills ou deux trois barflys, qu’il fait l’amour jusqu’au bout et dans le sang ? Qu’il s’écartèle entre Patricia et Pamela ? Tournant comme un lion éthiopien dans une cage de verre, il plaque une voix monstrueus­e, tellement belle et profondéme­nt agitée, sur les fantastiqu­es parties glissées par des Doors qui ne savent plus très bien. Deux morceaux datent de 1968 (“The Wasp” et “The Changeling”) tandis que “Cars Hiss By My Window” est un survivant des tous débuts. Mais Jim Morrison n’attend plus. Ne triche plus entre lui et le play-back. Robbie Krieger, Ray Manzarek et John Densmore reçoivent le renfort de Jerry Sheff, bassiste d’Elvis Presley, et de Marc Benno à la guitare rythmique tandis que Jim enregistre en direct depuis le cabinet de toilettes de la salle de répétition­s des Doors. Rarement le groupe et Morrison auront été aussi proches du blues, celui des bleus de l’âme qui courent subitement sur la peau (“Cars Hiss By My Window”, “Crawling Kingsnake”, le vieux tube lascif de John Lee Hooker, et presque tout le reste finalement). Mais l’album est également un énorme disque haineux, celui du Mr Mojo Risin’ (anagramme de Jim Morrison) de “LA Woman”, du sorcier de cuir noir qui n’est plus, de l’homme qui s’en va et qui hurle qu’il va le faire. Sûrement. “Je vois que la salle de bains est libre”, chante-t-il d’une voix fatiguée sur “Hyacinth House”. Et seule la mort se frotte les mains.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France