The Rolling Stones
“STICKY FINGERS”
ROLLING STONES RECORDS
Les années soixante sont mortes et enterrées, et les Rolling Stones sont à un tournant de leur carrière. Tout d’abord, Mick Taylor fait entièrement partie du groupe, et ça s’entend. Ensuite, ils fondent leur propre label et entament les années 70 avec ce chef-d’oeuvre, un classique, sous cette mythique pochette signée Andy Warhol. Ce disque est une montagne, un truc incontournable, les tables de la loi du rock selon les Stones. “Sticky Fingers” va traumatiser des générations de musiciens. Les Stones inventent ici un son unique, magique. Définitivement libéré des clichés rock-blues, Keith Richards devient lui-même et trouve son style, souvent imité, jamais égalé, fait d’accords cradingues lâchés comme lui seul saura jamais le faire, qui se marie délicieusement avec celui de Mick Taylor, léché, précis, mélodique : il faut bien avouer qu’on a beaucoup perdu avec le brave Ron Wood. “Sticky Fingers” est donc, entre autres, une véritable encyclopédie de guitares. Les acoustiques sont particulièrement superbes, comme sur ce “Wild Horses” qu’on dit fortement influencé par Gram Parsons avec lequel Keith traînait beaucoup à l’époque, sur le poignant “Sister Morphine” (dont les paroles sont enfin officiellement attribuées à Marianne Faithfull sur la réédition CD) ou le magnifique “Dead Flowers”. Il est intéressant de lire les notes de pochette aujourd’hui : on s’aperçoit que Mick Jagger joue parfois de la guitare là où on jurerait entendre Keith (“Sway” ou “Moonlight Mile”), que Ry Cooder apporte une fois de plus son précieux concours, ainsi que Jack Nitzsche, Nicky Hopkins, Jim Dickinson ou Ian Stewart au piano. Charlie Watts est magnifique comme
toujours, fréquemment secondé par les percussions de Jimmy Miller, par ailleurs producteur exemplaire (et cela ne devait pas être facile tous les jours, de produire les Stones vers 1971). Du rock à fond de cale (“Brown Sugar”) au funk graisseux (“Bitch” et l’étonnant “Can’t You Hear Me Knocking” qui se termine en une longue jam), en passant par du blues pur (“You Gotta Move”) ou sale (“I Got The Blues”), les Rolling Stones deviennent les maîtres du monde avec cet album que les petitsenfants écouteront toujours, médusés, eux aussi (qui a dit défoncés, eux aussi ?).