Rock & Folk

The Flamin’ Groovies

“TEENAGE HEAD”

- FRANCK ROY

KAMA SUTRA

Grosse affaire. Cette année-là c’est chez les Rolling Stones et les Flamin’ Groovies qu’on trouvait la meilleure came en ville. Riens moins. Le genre de truc qui permet les déclaratio­ns suaves qui font que “ce

groupe est le rock’n’roll” en vomissant sur la moquette. Evidemment, ceux qui n’ont jamais craché l’ennui suintant de leurs tripes sur un tapis doivent passer leur chemin. Ce “Teenage Head”, le gang

made in San Francisco de Roy A Loney et Cyril Jordan aurait bien pu aller l’appeler “Maxxximum Frustratio­n”, personne n’aurait fait d’histoires. Les Groovies ont ici enregistré une descente de speed dans tout ce qu’on aime, ce qu’on a aimé, et ce qu’on aimera encore dans le rock après la grande explosion thermonucl­éaire. Ce groupe suinte la haine, l’envie, la crainte et la classe. En 1971 donc, on osait encore les comparer aux Stones — “Have You Seen My Baby” pourrait figurer sur “Exile On Main St” si, dans l’ombre, les Glimmer Twins y avaient déjà pensé... Erreur grave puisque les Flamin’ Groovies valaient bien mieux que ce rogaton d’explicatio­n : juste le gang le plus serré et le plus malin à avoir fait irruption d’un garage depuis la découverte du pétrole. “Teenage Head” (le morceau), grande échappée dans le vide creux comme on plonge au rasoir entre les seins d’une femme-enfant, remonte le frisson rock au niveau d’un orgasme sur le capot d’une caisse limant le bitume. “32-20”, reprise bordélique, lippue et avec dorures du classique du bluesman maudit Robert Johnson. “High Flyin’ Baby”, coulées de slide moite et collante, voix électrique, saloperie crasse de petite gouape. “Evil Hearted Ada”, exercice à la Charlie Feathers, ce pape du hoquètemen­t rockabilly, mais violé contre le mur grâce à une méchante gouaille de dandys urbains, avec une fin brûlant d’un crescendo bien voyou à la Elvis Presley dans “I’m Evil” (sur la BO de “King Creole”). Et c’est toute l’immense différence avec les Flamin’ Groovies. Ces types étaient non seulement intrinsèqu­ement de la grande ville, mais profondéme­nt gamins aussi, pour la vie. Le rock, cette éjaculatio­n adolescent­e.

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