Pink Fairies
“NEVER NEVER LAND”
POLYDOR
Si Hawkwind se tient fièrement du côté des classiques, on ne peut pas en dire autant de ses toxiques compagnons de jadis au sein de la scène du quartier londonien de Ladbroke Grove. Parmi ces combos de l’ombre, les plus injustement méconnus sont sans doute les gonzes hirsutes de l’Edgar Broughton Band et, bien sûr, Pink Fairies. Ces derniers, émanation des Deviants, se rencontrent lors de l’enregistrement du premier opus solo de Twink (“Twink Pink”), batteur fantasque et mime de son état, passé par Tomorrow et les Pretty Things. Les Deviants sont alors en froid avec leur leader anarchiste Mick Farren et le marteleur aux longs cheveux bouclés est en passe de quitter les auteurs de “SF Sorrow”. Naturellement, la connexion se fait et le quartette déballe très vite un album dont la pochette au graphisme hobbit ne laisse pas vraiment augurer du déluge sonore qui se cache à l’intérieur. L’affaire démarre par un manifeste protopunk total, la décomplexée “Do It”, dans laquelle Paul Rudolf démontre qu’il est l’un des guitaristes les plus mésestimés de cette époque : entre ses riff hyper-violents et ses soli acid-blues, parfois hendrixiens, il brille tout particulièrement, solidement accompagné par Twink, qui cogne comme un sourd sur ses fûts. “Heavenly Man”, qui suit, est une ballade à l’ambiance trippante, tout comme “War Girl”, entre R&B et psychédélisme léger. “Say You Love Me” serait presque un titre hard rock conventionnel s’il n’était traversé par un motif strident et inattendu. “Never Never Land”, qui clôt la face A, est un long mid-tempo bizarroïde, où les guitares se font mouettes et les cymbales résonnent. La face B est dominée par deux morceaux définitifs : “Teenage Rebel” et “Uncle Harry’s Last Freak-Out”. La première est une méchante saillie anticipant largement le punk — ce n’est pas pour rien que John Lydon les adorait — et qui exhale une violence particulière grâce à un riff méchant, minimaliste, et à la voix râpeuse de Rudolph. La seconde est le rave-up de rigueur où, entre roulements de toms et pédale wah-wah, les Fées Roses taquinent le space-rock sur plus de dix minutes hallucinées. Avec ce disque précurseur, Pink Fairies mériterait, sans contestation, de figurer au panthéon des formations à haut voltage de l’époque, au même rang que MC5.