Rock & Folk

Led Zeppelin

“IV”

- FRANCOIS DUCRAY

ATLANTIC

Pépé au fagot dans son cadre, pas de nom de groupe, pas de titre dehors. Le grand rien. Un monde meurt. Dedans l’antre du forgeron, avec “Black Dog” aboyeur à l’entrée : le Zeppelin vous salue bien ! On croit se souvenir d’amis, rayés depuis, arguant en faveur de “Who’s Next”, d’autres, incontinen­t ventilés, s’empourpran­t d’aise à l’écoute de “Machine Head”, et on a oublié ces malheureux qui citaient Black Sabbath... Car enfin, qui parlait, là, sinon le Maître de la Foudre, le Prince des Tornades, le Ramsès du Rock nouveau, Jimmy Page soi-même, stratège parmi les stratèges, Clausewitz du heavy metal ? Et l’implacable Zeppelin n’avait-il pas été engendré de toute éternité pour arriver à ça, exactement ça : l’alliance de Vulcain et d’Eole, dieux romains du Feu et du Vent ? “IV”, triomphait-on, bien que prêt à mettre deux genoux à terre quand parut, superbe et magnanime, le trop certain vainqueur. “IV” donc est la conséquenc­e inéluctabl­e et sans bavure de ses trois prédécesse­urs : du premier, il a estompé les traces de blues jusqu’à presque les effacer, n’en conservant que les bases, une lueur inquiétant­e de l’esprit et cette sidérante virtuosité (“Misty Mountain Hop”, “Four Sticks”, “When The Levee Breaks” et ses accords en vrille). Du “II” (surnommé par les kids américains le Brown Bomber), il retrouve, en la multiplian­t par l’expérience, l’envie, la voracité acquises sur scène, l’incoercibl­e brutalité (“Black Dog” et “Rock And Roll”, dont la logique eut voulu qu’ils caracolent en single, ce que l’orgueilleu­se tactique

pagienne refusa évidemment). Du “III” merveilleu­x, mésestimé, plus riche et plus contrasté qu’on ne crût, il reprend avec morgue les teintes folk-rock piégées, les amplifiant et les outrant à la mesure de la vanité blessée des musiciens (“The Battle Of Evermore”, justement, avec l’opposé en jupes longues de Robert Plant, Sandy Denny de Fairport Convention, l’épique et inamovible “Stairway To Heaven” et l’auto-caricatura­l “Going To California”, en référence à leurs orgies angelenien­nes). Ils savaient. Ils avaient forcément raison : “IV” n’est qu’un tout monstrueux. Le metal à son zénith :

zeppeliné, inaltérabl­e.

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