Rock & Folk

Gong

“CAMEMBERT ELECTRIQUE”

- ERIC DELSART

L’histoire de Gong débute lorsque Dævid Allen, leader dadaïste de Soft Machine, se fait refouler à la frontière anglaise après une tournée française en 1968. Cet incident acte son départ du groupe et le force à s’installer à Paris où il retrouve sa muse Gilli Smyth. Il monte alors divers projets qui finiront par aboutir à Gong, groupe dont le nom et concept lui sont apparus lors d’une épiphanie sous LSD quelques années plus tôt. Après un premier album acide enregistré avec des musiciens de passage en 1969 (“Magick Brother”), Allen assemble un groupe à la base rock solide avec lequel il joue une musique audacieuse, propice aux expériment­ations psychédéli­ques et aux longues envolées planantes à base de guitare glissando. Enregistré au Château d’Hérouville les soirs de pleine lune, “Camembert Electrique” est le véritable premier album de l’entité Gong, dont, à l’image du Magic Band de Captain Beefheart, chaque membre est affublé d’un nom de scène extravagan­t. Le Gong de 1971 est un drôle d’attelage, secte décadente aux idées farfelues, soudée par la vie en communauté dans une ferme près de Sens, aguerrie par une année de concerts et deux albums de commande qui l’ont vu porter “Obsolète” de Dashiell Hedayat vers le firmament et écrire une bande originale hypnotique au film “Continenta­l Circus”. Un groupe versé dans les exploratio­ns stellaires en théière volante mais étonnammen­t funky, grâce à une section rythmique particuliè­rement dynamique et au saxophone virtuose de Didier Malherbe. On est loin ici du jazz-rock cérébral et du rock progressif pompeux de la même époque auxquels la musique de Gong est souvent associée. Sur “Camembert Electrique”, Gong est inclassabl­e : psychédéli­que sur “You Can’t Kill Me”, pop sur “Tried So Hard”, proche du krautrock sur “Fohat Digs Holes In Space”, potache et inspiré des comptines sur “Mister Long Shanks/ O Mother” et “I Am Your Fantasy”. Ce qui lie l’ensemble, c’est la mythologie délirante sortie du cerveau excentriqu­e d’Allen qui parvient à faire atteindre au groupe une forme de spirituali­té sans jamais se prendre au sérieux. Sorti à l’origine chez Byg en 1971, “Camembert Electrique” fut repressé en masse à vil prix (59 pence, soit le prix d’un single) en 1974 quand le groupe signa sur Virgin. Une manoeuvre commercial­e qui en a fait le disque de chevet des hippies de tous pays.

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