Rock & Folk

Dashiell Hedayat

“OBSOLETE”

- BERTRAND BURGALAT

SHANDAR

“Personne n’est vraiment quelqu’un….” En 1971, quand il répond aux questions attendries et prémonitoi­res de Denise Glaser sur le plateau de Discorama, Daniel Théron a 23 ans. Il vient de sortir “Obsolete” sur le magnifique label Shandar, de Chantal Darcy. C’est son deuxième et dernier album, qui succède à “La Devanture Des Ivresses”, sorti deux ans plus tôt sous le nom de Melmoth. Ce nouveau disque va très loin. Melmoth chantait des textes et des mélodies superbes avec emphase et maladresse, sur des structures de chansons encore assez traditionn­elles, Dashiell va exploser tout ça avec grâce. “Le disque, c’était des musiques que j’avais dans la tête, et des textes, et j’ai essayé de les coller ensemble, un peu, plus ou moins comme un collage. C’est aussi une rencontre, c’est un instant, la rencontre d’un texte avec une musique. Je l’ai fait avec des musiciens que j’aime beaucoup, qui sont les musiciens de Gong qui est un des groupes pop qui, actuelleme­nt, est disons au plus haut. Pour le moment c’est ça qui m’intéresse, c’est la rencontre du rock avec

l’électroniq­ue.” On n’imagine pas toujours ce qu’a été Gong, la machine rythmique, l’inventivit­é, les nappes de guitare en open tuning jouées avec des instrument­s de chirurgien, les vents et les space whispers perdus dans l’écho. Dans “Obsolete” il y a tout ce qui fera “Flying Teapot” et “Angel’s Egg”, mais il y a aussi autre chose, une poésie. L’album se vend très peu, mais il est un signe d’appartenan­ce et d’initiation tout au long des années 70. Il connaît une nouvelle vie deux décennies plus tard, encensé et récupéré par ceux (Actuel) qui l’avaient si mal traité à sa sortie, à la rage de son auteur, qui ne touchera pas un sou des rééditions de l’album et des compilatio­ns qui mettent à l’honneur “Chrysler Rose”. L’étoile de Dashiell grandit à mesure de la chute de celle de Daniel Théron, devenu écrivain à succès puis paria des lettres sous les noms de Jack-Alain Léger ou Paul Smaïl... 2013. Père Lachaise. Ils sont une douzaine autour de lui. Laperrousa­z, Matzneff, Noguez, Guibert. La trappe s’ouvre. “Long Song For Zelda” commence : “Je suis à la fenêtre, toi tu es dans la baignoire/ Et tes pieds dépassent, je peux les voir dans la glace de l’armoire/ Il y a ce disque idiot, qui est rayé au milieu/ Et les tarots, que je te tire sur ton châle en camaïeu.” Son cercueil s’avance vers les flammes.

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