Faust
“FAUST”
POLYDOR
A l’orée des années 1970, des dizaines de musiciens allemands s’émancipent du psychédélisme pour créer des musiques originales, uniques, traversées de sonorités inédites, entrecroisant des racines folk, rock, jazz avec du classique contemporain ou avantgardiste et en explorant, comme personne avant eux, les possibilités des instruments électroniques. Ils seront rassemblés trois ans plus tard sous l’appellation simplificatrice de krautrock dont Amon Düül II, Tangerine Dream, Ash Ra Tempel, Can, Kraftwerk, Klaus Schulze... et Faust seront les exportateurs les plus emblématiques. Début 1971, à Hambourg, le journaliste et critique de cinéma Uwe Nettelbeck est contacté par Polydor pour mettre sur pied un groupe à succès dans la mouvance de la scène underground allemande alors émergente. Transformant une école désaffectée de Wümme en studio d’enregistrement, il y rassemble six musiciens issus de deux formations, Nukleus et Campylognatus Citelli, pour
produire, selon ses propres termes, “une musique totalement nouvelle débarrassée
des clichés du rock anglo-saxon”. Werner Zappi Diermaier (batterie), Joachim Irmler (orgue), Arnulf Meifert (batterie), Jean-Hervé Péron (guitare), Rudolf Sosna (guitare et claviers) et Gunter Wüsthoff (synthétiseur et saxophone) enregistrent ainsi, pendant plusieurs mois, tout ce qui leur passe par la tête. Dans un deuxième temps, ils triturent les bandes dans tous les sens en utilisant les techniques du collage sonore, manipulant les sons comme les bruits environnants. Résultat de ces séances, “Faust” sort fin 1971 agrémenté d’une pochette aussi singulière que le contenu. L’album est divisé en trois parties : “Why Don’t You Eat Carrots ?”, indéniablement sous l’influence des Mothers Of Invention, “Meadow Meal” et “Miss Fortune”. Des fragments de discours et de déclamations dadaïstes, des chants lointains vont et viennent dans ce bouillonnement hétéroclite d’où surgissent des éclats de guitare et d’orgue au milieu d’un chaos rythmique savamment organisé. A sa parution, Polydor se prend à douter du potentiel commercial du disque mais, si l’Allemagne s’avère assez peu réceptive, l’accueil est bien meilleur au Royaume-Uni. Après avoir sorti trois autres albums et enregistré un grand nombre de bandes dont certaines verront le jour bien plus tard, le groupe se sépare en 1974 avant de se reformer en 1990, réalisant depuis une nouvelle série de disques après “Rien” en 1994.