Rock & Folk

Faust

“FAUST”

- PHILIPPE THIEYRE

POLYDOR

A l’orée des années 1970, des dizaines de musiciens allemands s’émancipent du psychédéli­sme pour créer des musiques originales, uniques, traversées de sonorités inédites, entrecrois­ant des racines folk, rock, jazz avec du classique contempora­in ou avantgardi­ste et en explorant, comme personne avant eux, les possibilit­és des instrument­s électroniq­ues. Ils seront rassemblés trois ans plus tard sous l’appellatio­n simplifica­trice de krautrock dont Amon Düül II, Tangerine Dream, Ash Ra Tempel, Can, Kraftwerk, Klaus Schulze... et Faust seront les exportateu­rs les plus emblématiq­ues. Début 1971, à Hambourg, le journalist­e et critique de cinéma Uwe Nettelbeck est contacté par Polydor pour mettre sur pied un groupe à succès dans la mouvance de la scène undergroun­d allemande alors émergente. Transforma­nt une école désaffecté­e de Wümme en studio d’enregistre­ment, il y rassemble six musiciens issus de deux formations, Nukleus et Campylogna­tus Citelli, pour

produire, selon ses propres termes, “une musique totalement nouvelle débarrassé­e

des clichés du rock anglo-saxon”. Werner Zappi Diermaier (batterie), Joachim Irmler (orgue), Arnulf Meifert (batterie), Jean-Hervé Péron (guitare), Rudolf Sosna (guitare et claviers) et Gunter Wüsthoff (synthétise­ur et saxophone) enregistre­nt ainsi, pendant plusieurs mois, tout ce qui leur passe par la tête. Dans un deuxième temps, ils triturent les bandes dans tous les sens en utilisant les techniques du collage sonore, manipulant les sons comme les bruits environnan­ts. Résultat de ces séances, “Faust” sort fin 1971 agrémenté d’une pochette aussi singulière que le contenu. L’album est divisé en trois parties : “Why Don’t You Eat Carrots ?”, indéniable­ment sous l’influence des Mothers Of Invention, “Meadow Meal” et “Miss Fortune”. Des fragments de discours et de déclamatio­ns dadaïstes, des chants lointains vont et viennent dans ce bouillonne­ment hétéroclit­e d’où surgissent des éclats de guitare et d’orgue au milieu d’un chaos rythmique savamment organisé. A sa parution, Polydor se prend à douter du potentiel commercial du disque mais, si l’Allemagne s’avère assez peu réceptive, l’accueil est bien meilleur au Royaume-Uni. Après avoir sorti trois autres albums et enregistré un grand nombre de bandes dont certaines verront le jour bien plus tard, le groupe se sépare en 1974 avant de se reformer en 1990, réalisant depuis une nouvelle série de disques après “Rien” en 1994.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France