Rock & Folk

Ry Cooder

“INTO THE PURPLE VALLEY”

- BERTRAND BOUARD

REPRISE

S’il ne devait y avoir qu’un franctireu­r, ce serait lui. En cinquante ans de carrière, Ry Cooder n’en a fait qu’à sa tête. Et a souvent excellé dans la plupart — on n’ose dire la totalité — de ses aventures. A l’avantgarde du blues revival américain avec les Rising Sons de Taj Mahal, l’homme de Santa Monica (Californie) devient dans la seconde moitié des sixties un guitariste de studio des plus courtisés, notamment par Captain Beefheart (premier album) ou les Rolling Stones (“Love In Vain”, “Let It Bleed”, “Sister Morphine”) où son open de sol ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Cooder est surtout connu du grand public pour ses BO (celle du “Paris, Texas” de Wim Wenders, en 1985, tout particuliè­rement) ou sa production à Cuba du triomphal Buena Vista Social Club, en 1997. Sa carrière solo des années 70 reste à redécouvri­r, jalonnée d’une petite dizaine d’albums qui piochent dans le répertoire américain des années 30 à 50, au sens large. “Into The Purple Valley” se concentre sur la période de la Grande Dépression, ce qui, en 1972, est une fixette étrange. Cooder dépoussièr­e des merveilles comme “How Can You Keep On Moving (Unless You Migrate Too)”, “Money Honey”, “Teardrops Will Fall”. Il pioche aussi bien dans le blues (“On A Monday” de Leadbelly) que la country (“Hey Porter”, un Johnny Cash inquiétant), le jazz (“Denominati­on Blues”) que le folk (“Vigilante Man” de Woody Guthrie, l’une des plus impression­nantes performanc­es de sa carrière). Il vogue vers Trinidad le temps d’un calypso délicieux (“FDR In Trinidad”) ou les Bahamas, via un instrument­al emprunté à un certain Joseph Spence (Cooder est un type pointu). Une équipe de choc l’aide à faire swinguer chaque mesure (Jim Dickinson et Van Dyke Parks sont aux claviers, Chris Ethridge à la basse, John Craviotta à la batterie), tandis que lui-même s’occupe du chant (correct sans plus), des mandolines (merveille de solo sur “Billy The Kid”) et des guitares, notamment slide — ses coups de bottleneck sont des manifestes poétiques. En bon artisan, Cooder ouvragera ses propres morceaux à partir de cette matière, sur une suite d’albums récents, articulés dans des arcs narratifs ambitieux. “Pull Up Some Dust And Sit Down” (2010) par exemple, qui expose au passage les conviction­s politiques inaltérées du bonhomme, pas vraiment fan du Tea Party. Un pur, quoi.

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