Rock & Folk

Neil Young

“HARVEST”

- PHILIPPE MANOEUVRE

REPRISE

L’album “Harvest” est sorti en février 1972. Tout de suite, ce trente centimètre­s vendu sous une rugueuse pochette de gros carton allait devenir un best-seller absolu. Car dans les années 70, les fans ne s’embarrassa­ient guère d’étiquettes. On achetait James Brown, King Crimson et Neil Young sans se poser plus de questions. “Harvest” est un disque campagnard. En anglais : country. Un album tranquille qui déroule ses charmes sous un ciel éternel, celui du coeur de l’Amérique profonde. Neil Young, artiste solitaire, artiste rêveur, sauvage, abandonne dès la fin des années 60 toute velléité de se plier au format des groupes. Personnage énigmatiqu­e — il est né le 12 mai 1945 à Toronto, au Canada — il décide d’enregistre­r “Harvest” (son quatrième album solo) à Nashville. Cloué à cette époque par une déficience musculaire, Neil Young ne peut (presque pas) ici empoigner sa fameuse Gretsch électrique. Un accident qui engendre un disque aux climats d’une pureté acoustique prodigieus­e, rehaussé de cordes, de cloches, de pedal steel et de lambeaux d’harmonica. Pour ne rien gâcher, le cow-boy solitaire va jeter une pépite aux visiteurs, la superbe chanson “Heart Of Gold” (qui reste, à ce jour, son seul numéro un certifié dans les charts américains). Mais il y a d’autres gemmes : “Alabama” (qui vaudra au chanteur une sanglante réplique sur le mode “On n’a pas besoin de connards hippies dans notre beau Sud” des Lynyrd Skynyrd) et bien sûr, l’hymne anti-héroïne, “The Needle And The Damage Done”. Bizarremen­t, au moment où tout le monde parle d’une nouvelle vague country et d’un retour en force de cette musique, il faut réécouter “Harvest”. Un disque qui ne vieillit pas, un de ces albums mythiques qu’on peut écouter la nuit, tout seul dans le salon (et ça ne réveillera pas les voisins) ou en taillant la route sur une highway de rêve. Beaucoup de chanteurs — et non des moindres, citons seulement Bob Dylan, Johnny Hallyday, Elvis Presley — ont fait escale à Nashville à un moment de leur longue carrière. Personne n’en a rapporté un disque aussi souverain, aussi américain et aussi incontourn­able que Neil Young. Nous parlons de “Harvest”, “La Moisson”.

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