Rock & Folk

Humble Pie

“SMOKIN’ ”

- FRANCK ROY

A&M

La gloire, c’est le marteau du diable. L’Angleterre eut trois énormes chanteurs soul : Robert Plant, Paul Rodgers et Steve Marriott. Steve en est mort. Car il était sans doute le meilleur, comprendre le plus vivant. Il chantait comme un loup se débattant dans un piège à l’entrée de la ville, ses yeux étroits fixés sur le sang s’écoulant en bouillons dans le caniveau. Et Marriott écrivait des hymnes, le genre de morceaux qui font aimer ce foutu pays. Avec les Small Faces, Steve Marriott est le premier, le Petit Prince des mods. Il concentre le dandysme décalé de ceux qui boivent leur thé à trois heures, et l’âme de la lointaine Amérique. C’est évidemment à lui que pensera immédiatem­ent Jimmy Page quand le guitariste inventera le Grand Dirigeable. Refus. Steve Marriott, coeur noir dans un corps d’homme blanc, ensorceleu­r de Gibson 335, s’en va fonder Humble Pie. Et écrire une formule qui, dans les années 90, permettra aux Black Crowes de dévaliser les stades... Mais pourquoi choisir “Smokin’ ”, quatrième album du groupe après notamment le live “Performanc­e : Rockin’ The Fillmore” ? D’abord parce que Humble Pie vient de muer. Peter Frampton, le virtuose angelot blond, démissionn­e après avoir tenté de prendre le contrôle de la scène. Quelque part, c’est classe. Son remplaçant, Clem Clemson, se coule comme un chat dans la voix de Steve Marriott, se cache derrière la Gibson qui crache et siffle, et s’offre en double (surtout pas en doublure). Le miroir de la colère. Ensuite “Smokin’ ” est un disque faramineux de heavy rhythm’n’blues (“30 Days In The Hole”, “The Fixer”, “You’re So Good For Me”), la furia sonore des écorchés qui enragent. Bien sûr, c’est aussi le premier album du Pie clairement et sciemment branché sur l’Amérique, son goût pour le rock le plus violent ( with soul, of course), ses scories du succès, drugs & groupies qui laissent des marques rouges : “Smokin’ ”. Steve Marriott ne s’en remettra jamais. La voix qui a carbonisé le Madison Square Garden s’est éteinte définitive­ment dans l’incendie de sa maison de Los Angeles. Dans l’anonymat. C’était il y a longtemps.

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