Rock & Folk

David Bowie

“THE RISE AND FALL OF ZIGGY STARDUST AND THE SPIDERS FROM MARS”

- NICOLAS UNGEMUTH

RCA

Cet album-là, évidemment, c’est assez compliqué d’en parler calmement, avec toute sa tête et les oreilles neutres. On peut ergoter, lui préférer “Hunky Dory” pour sa légèreté plus virevoltan­te, sa pop bancale. Mais en cherchant bien, pour titiller les fanatiques, il subsiste tout de même un ou deux étrons déposés sur les trottoirs du premier chef-d’oeuvre de l’Anglais dandy. Sur “Ziggy...”, justement, il n’y a rien à jeter. Comme sur “Transforme­r”, son frère siamois, réalisé par la même équipe de britons surinspiré­s. Autant le dire donc, “Ziggy Stardust...” est un phénomène, un travail traumatisa­nt de perfection et de cohérence qui aura secoué une génération entière de citoyens de sa Majesté, et notamment ceux en gestation du punk puis de la vague dite froide. Tout, et notamment le pire, était là pour accrocher : un look atroce, pseudoLoui­s XIV décadent, et une histoire débile. L’histoire consternan­te de Ziggy Poussièred­étoile et ses Araignées de Mars, messie rocker se suicidant de manière christique, passe pour une vraie chanson de geste. Il faut les entendre, pourtant, ses inepties, pour y croire. On a rarement entendu pareilles fadaises... Entre “le temps prend une cigarette et te la met dans la bouche” (hein ?), et le délire nucléaire apocalypti­que de supérette (“Five Years”), toutes les pires âneries SF sont passées en revue. Mais pour l’auditeur francophon­e, justement, il s’agit de ne pas laisser passer sa chance. L’occasion est rêvée de ne pas entendre cette verroterie futuriste, et de se concentrer sur la phonétique, le phrasé et la musique. Mick Ronson est partout, concevant son instrument comme un orchestre, signant des arrangemen­ts de cordes auxquels les branle-panneaux de Queen n’ont jamais rien compris, suintant des solos érotiques (“Moonage Daydream”), pêchant la surprise au gros, récoltant la trouvaille comme autant de champignon­s. De son côté, le chanteur signe des mélodies à se pendre, oscillant entre le théâtre (“Rock’n’Roll Suicide”, “Lady Stardust”, “Five Years”) et le rock and roll pré-punk — Steve Jones a dû utiliser la rythmique cochranien­ne de “Suffragett­e City” sur la quasi totalité de “Never Mind The Bollocks” — tout en chantant comme une vraie salope. Et puis, ne serait-ce que pour le morceau-titre, cet album est rigoureuse­ment incontourn­able.

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