Rock & Folk

Neu!

“NEU!”

- ERIC DELSART

BRAIN

L’Allemagne du début des années 70 était un terreau fertile pour les musiciens versés dans l’expériment­ation. Héritiers d’un pays dénué de scène pop durant les années 60, les jeunes musiciens de la nouvelle génération allemande s’emparèrent du rock au moment où celui-ci explosait dans une multitude de directions. Can, Faust, Amon Düül II... de nombreux groupes surgirent, développan­t une musique hybride inspirée du jazz, du rock progressif et de l’électroniq­ue, poussant à leur paroxysme les principes posés par les groupes psychédéli­ques occidentau­x les plus avantgardi­stes tels que les Mothers Of Invention ou le Velvet Undergroun­d. Au sein de cette scène que les Anglais baptisèren­t krautrock (de façon péjorative à l’origine) sans en différenci­er les divers courants, Neu! représente par de nombreux aspects la quintessen­ce de l’esprit innovant qui régnait à l’époque. Neu! était un duo formé du batteur Klaus Dinger et du guitariste Michael Rother. Deux musiciens de Düsseldorf qui furent un instant la section rythmique de Kraftwerk, avant que le groupe ne se tourne vers les machines. Le véritable acte de naissance de Neu! eut lieu sur scène un soir de 1971 alors que Kraftwerk devait participer à l’émission musicale Beat Club à la télévision. Ralf Hütter venait de quitter le groupe qui ne se composait plus alors que de Schneider, Dinger et Rother. Les deux derniers prirent le contrôle des opérations et imprimèren­t un groove démoniaque sur un titre nommé “Koln II”. Il s’agit de la première apparition recensée du rythme Motorik de Dinger, ce beat 4/4 implacable qui devint la signature de Neu!. Échappé de Kraftwerk, le duo s’enferma quatre jours en studio avec le producteur Conrad Plank. Plus qu’un disque, le premier album de Neu! est un manifeste esthétique. De la pochette pop art au nom du groupe ( neu signifie nouveau) tout tient ici du happening. La batterie minimalist­e de Dinger induit une transe qui permet à Michael Rother de développer de longues phrases de guitare à base de motifs qui reviennent en boucle tels des itérations. Sur “Hallogallo” comme sur “Negativlan­d”, l’angoisse provoquée par ce rythme immuable et la progressio­n algorithmi­que de la mélodie est aussi saisissant­e que révolution­naire. Le duo invente ici une façon nouvelle de jouer, un champ sonore inédit sur lequel des dizaines d’héritiers ont bâti et bâtissent encore la musique du futur.

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