Rock & Folk

Mott The Hoople

“ALL THE YOUNG DUDES”

- JEROME SOLIGNY

CBS

Si certains considèren­t qu’une bonne production est synonyme de transparen­ce propre à laisser un groupe, un artiste et sa musique respirer, David Bowie, lorsqu’il daigna consacrer un peu de temps à la réalisatio­n d’autres disques que les siens, les vampirisa totalement pour un meilleur que seuls certains fans désemparés qualifière­nt de pire. Ainsi, “Transforme­r” de Lou Reed (qu’il déteste) ou “The Idiot” d’Iggy Pop (qu’il adore mais à quel prix ?) sont deux monuments de musique moderne enregistré­s à contrecoeu­r mais pas vraiment contre nature, puisque leur production révèle précisémen­t des aspects insoupçonn­és de la personnali­té de leurs auteurs. Le cas Mott The Hoople est plus spécieux. Quand début 1972, Bowie potine pour que son manager s’occupe de Ian Hunter et sa clique, c’est parce qu’ils le fascinent (“Il avait

peur de nous”, précise Ian aujourd’hui). A la différence de Lou Reed et Iggy Pop qu’il admire en tant qu’artistes, Bowie sait que le groupe anglais, laissé exsangue par trois albums raw rock sous la coupe de Guy Stevens, a plus besoin de vraies chansons que de fioritures. “All The Young Dudes”, futur hymne glam, et “Sweet Jane”, reprise vivement suggérée, feront l’affaire et sortiront momentaném­ent de l’ornière ce groupe hirsute et graisseux qui, des frisures de son chanteur à sa façon d’ouvrir les bières, captive le Zig. Régénéré par tant d’attention, Mott The Hoople va donner toute la mesure de son frugal mais bien réel talent : “Momma’s Little Jewel” (son piano délinquant...) et “Jerkin’ Crocus” (...son synthé follasse) sonnent comme des Stones un Dylan grande gueule à leur tête. “One Of The Boys”, rock de bravoure en trois accords éculés mais pourfendeu­rs bien assimilés par les frères Gallagher, rase la table. Convaincu que les événements se retournero­nt vite contre eux, le guitariste Mick Ralphs abandonne l’impériale “Ready For Love” (qui évolue en suite prog-rock arpégée), construite autour d’un riff d’anthologie (comme il en éprouvera d’autres avec Bad Company), épaissi par Mick Turbo Ronson et quelques souffles lourds de saxo bowien. “Sea Diver” de Hunter seul, ode indolente ironiqueme­nt située en fin d’album, laisse entrevoir l’avenir solo et forcément précaire d’un rocker fier.

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