Rock & Folk

Curtis Mayfield

“SUPERFLY”

- ERIC DAHAN

CURTOM

Début des années soixante-dix à New York, les pimps en costumes orange et jeunes nubiles désaxées en talons blancs compensés hantent le pavé. Depuis Chester Himes et Cab Calloway, les nuits de Harlem sont un peu plus rouges et les wah-wah cisaillent l’air fétide de la 125e rue. Le rouleau compresseu­r disco n’a pas encore fait des Blacks les maîtres du monde et un Curtis Mayfield (l’âme des Impression­s) habite toujours “on the other side of town”. Son premier opus solo couronné du survolté “Move On Up” va traumatise­r une génération de soul-boys anglais (Paul Weller en tête, qui le reprendra des années plus tard avec son Style Council) mais rien ne prépare au choc de “Superfly”, bande originale d’un classique blaxploita­tion du début des années 70 pillé jusqu’au dernier plan par ce faussaire de Quentin Tarantino, mais également par un Lenny Kravitz jamais remis de l’intro au rimshot de “Pusherman”. Parce qu’il sait créer pour ses héros des orchestrat­ions de péplum

larger than life, qu’il voit plus loin que les coups de feu essuyés par la Ford Mustang et les OD fatales, Curtis Mayfield réussit un chef-d’oeuvre d’humanité, un de ces disques à message cruciaux des années soixante-dix comme le “What’s Going On” de Marvin Gaye ou le “Innervisio­ns” de Stevie Wonder. Quel était alors son secret ? Avait-il lui-même recours au Pusherman ou pensait-il à Dieu ? Un accident tragique (la chute d’un échafaudag­e sur scène à la fin des années quatre-vingt-dix) l’a laissé paraplégiq­ue sur un lit d’Atlanta, jusqu’à son décès en décembre 1999. Plus jamais sa voix de fausset ne se déhanchera élégamment sur les percussion­s latino de “Superfly”. L’Amérique n’est de toute façon plus ce qu’elle était.

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