Wicked Lady
“THE AXEMAN COMETH”
KISSING SPELL
Il est toujours fascinant de découvrir, plus de trente années après leur captation, des artefacts sonores tels que Wicked Lady. Pour l’amateur de heavy rock, l’expérience pourrait s’apparenter à l’ouverture du tombeau de Toutankhamon... Soit l’excavation d’un trésor inestimable, d’un témoignage d’une époque hélas révolue. La postérité de Wicked Lady démarre en 1993, lors de la parution d’enregistrements restés inédits depuis 1972. Ceux-ci, rapidement épuisés, ont ensuite profité de l’avènement du mp3 et d’Internet (via de précieux blogs spécialisés) pour se propager au plus grand nombre : Wicked Lady rejoint Leaf Hound, Granicus, Dust, Buffalo ou Sir Lord Baltimore dans le cercle des pépites cultes du hard rock seventies. L’existence tumultueuse de Wicked Lady, donc, a été jalonnée de témoignages studio bruts de décoffrage (grâce à un quatre
pistes Revox), uniquement destinés à “se souvenir de la manière dont les morceaux
devaient être joués” et de concerts pour le moins houleux. La raison : le power trio mené par Martin Weaver a été adopté par les bikers du Nord de l’Angleterre, avec les conséquences que cela implique (bastons, vol de trésorerie, etc). Les bandes sauvées du chaos, publiées en deux volets chronologiques (“The Axeman Cometh” et “Psychotic Overkill”) révèlent un contenu extraordinaire : le son est épais, lourd, répétitif, dégoulinant de fuzz, avec une rythmique solide, sans artifices. Martin Weaver est le génie de l’affaire : virtuose gaucher, ses riffs sont tout aussi violemment primaires, entre Steppenwolf et Black Sabbath, que ses solis élaborés, gavés de wah-wah et distorsion (l’homme construisait lui-même ses guitares et pédales d’effet). Mais, surtout, ses morceaux tiennent fort bien la route, hymnes gothiques, lancinants et addictifs aux freaks, aux losers, aux noctambules : la démentielle “Run The Night”, la protodoom “Rebel” ou “Wicked Lady” sont ainsi de vrais joyaux. On note aussi quelques étourdissants morceaux de bravoure : la sombre ballade “War Cloud” et la brillante “Passion” ou cette reprise carrée de “Voodoo Child”. Enfin, les vingt-deux minutes rugissantes de “Ship Of Ghost” suffiraient à elles seules à assurer l’importance cruciale de ces superbes précurseurs qui ont anticipé, à l’instinct, tout un pan du metal moderne.