Rock & Folk

Otis Redding “OTIS BLUE” VOLT

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19 65

Sous-titré Otis Redding

Sings Soul, cette absolue pépite enfonce une porte ouverte : quoi qu’il empoigne de ses mains de paysan géorgien, Otis Redding le transforme en soul. En soul mâle à pleins tuyaux, virile à gros bouillons mais machiste nenni : l’instinct de cet homme bon à l’ancienne, que ses producteur­s raillèrent longtemps pour être fruste, ne le trahit qu’une fois, au soir du 10 décembre 1967, quand il monta dans un avion qui n’arrivera jamais à destinatio­n... L’instinct d’Otis était son viatique, sa voix, son talisman. Ce que l’une dépensait sans compter, l’autre en contrôlait le flux, l’inspirait, l’orientait. C’est ainsi que, dès 1963, Otis se fit connaître en composant au buffet, au flan, son premier hit, et que “These Arms Of Mine” lui ouvrit, pour commencer, le coeur des femmes. Tourmentée, fébrile, avouant la peur qu’a un homme de mal faire, ses regrets ou ses failles, la soul d’Otis était pourtant inhabituel­le : c’est au caractère de ce zélote infatigabl­e qu’elle dut de s’imposer hit après hit, dans les charts R&B d’abord, dans ceux des jeunes blancs-becs ensuite (couronneme­nt posthume avec “The Dock Of The Bay”). Et à cet album véritablem­ent crucial puisqu’il contient à la fois une poignée de ces solides sésames plus une autre qui n’eut que la malchance d’en rester là : de toute façon, “Otis Blue” est un

best of à soi seul, certes incomplet mais tellement suffisant à traduire l’âme du Maconnais (comme le berceau de Little Richard, pas la capitale du beaujolais). Son de braise attisé par Tom Dowd, Booker T & The MG’s aux tisons, Isaac Hayes au saxo de passage parmi les futurs Memphis Horns, c’est tout le Memphis Sound qui se trame et explose sur un commando de titres exceptionn­els (trois de Sam Cooke dont “Shake”, “My Girl” de Smokey Robinson, “Rock Me Baby” de BB King...) emmenés par le souffle bouillant d’Otis, qui n’en signe lui-même que trois, mais quels : “I’ve Been Loving You Too Long” (tartuffé par les Stones, dont Redding, pas chien, reprend ici gentiment “Satisfacti­on”), “Ole Man Trouble” et “Respect”... Quand ce dernier sera chanté aussi par sa soeur en soul, Aretha, Otis en pleurera de gratitude. Plaignons ceux qui entendant ce disque n’arriveraie­nt à l’adorer un jour ou l’autre. FRANCOIS DUCRAY

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