The Who
“MY GENERATION” TRACK 19 65
La power pop naît ici. Avec cet album résonnant comme mille cloches tintinnabulantes, comme une mousson d’arpèges et de fûts déchaînés. L’Angleterre comptait alors des milliers de mods, et pas un seul groupe pour eux. Les Who furent donc conçus par un dandy génial (le modissime Pete Maeden ) pour combler ce manque. Les modernistes ne juraient que par la musique noire américaine et étaient bien plus puristes que les Stones, restés bloqués sur Chuck Berry, Bo Diddley et Jimmy Reed. Au contraire, les gentils paons de Carnaby Street ne juraient que par les choses modernes, soit la soul et le jazz. Les Who tentèrent donc de coller à cette éthique féroce. Après un premier single sous l’appellation High Numbers (“I’m The Face” et “Zoot Suit”, le premier étant un pastiche de “Got Love If You Want It”) et des posters fièrement estampillés
Maximum R&B, ils bouclent ce premier album comptant deux morceaux repris à James Brown. Mais Townshend, faux mod et vrai malin, diverge rapidement vers ce qu’il sait faire le mieux : de la pop rutilante et orchestrale. Instrumentiste limité à une époque où les guitar heroes tombent de tous les arbres de Hyde Park, il invente le système D et fore des itinéraires bis pour atteindre le nirvana : arpèges, cordes à vide, morse joué avec les micros, glissements du médiator le long du manche, baisses de volume, remontées vicieuses et power chords déchirants... L’inventivité est ici hallucinante. D’ailleurs, dans ce groupe, rien ne fonctionne comme ailleurs. Le bassiste joue solo, le chanteur se bat pour se faire entendre et le batteur chante avec ses toms. Keith Moon est partout. Frénétique, survolté aux
purple hearts, il se déchaîne comme un épileptique le temps d’un parcours sans faute. Des déclarations macho, voire homo, de “The Kids Are Alright” à l’ouverture infernale de “The Good’s Gone”, de la pop chromée de “La La La Lies” et “Much Too Much” ou “It’s Not True” à l’infernale copie de Link Wray revue et corrigée par l’idéal mod qu’est “The Ox” dévasté par Moonie, ce premier album est un classique, que certains n’échangeraient pas contre trois barils de “Tommy” ou de “Who’s Next”. Et s’ils avaient raison ? NICOLAS UNGEMUTH