The Beach Boys
“PET SOUNDS” CAPITOL 19 66
Titre crétin, pochette idiote pour un groupe au nom stupide... Et pourtant. Celui-là aura fait couler beaucoup d’encre et généré peu de débats. C’est l’unanimité absolue et pas seulement chez les idiots. “Pet Sounds”, pour les retardataires, est néanmoins inénarrable sans évoquer quelques faits. En vrac, Brian Wilson, bouddha fraîchement échappé d’une culture surf dont il n’avait que foutre, était bien plus fan des Beatles que du Chuck Berry qu’il s’était appliqué à détourner depuis la naissance de son groupe consanguin. En décembre 1965, il écoute “Rubber Soul”. Il voit Dieu et la
Vierge. “Gil, je vais faire un disque qui ne sera que joie et amour. Le plus grand de l’histoire du rock.” Il part en croisade, se voit Messie... Profite que ses benêts de frères et cousins soient sur la route avec le Witchita Lineman Glen Campbell pour écrire son grand oeuvre, qui sera sensé magnifier Spector, Bach, inventeur du contrepoint, et McCartney. “Rubber Soul” était sorti en Amérique sans le moindre single l’accompagnant. L’ère de l’album était désormais aveuglante. Celle de “California Girls” appartenait au passé. Le sens de la compétition ayant toujours engendré les meilleurs disques, “Pet Sounds”, aujourd’hui encore, met Macca très mal à l’aise. “Revolver” était déjà sorti lorsqu’il entendit ce manifeste de pop baroque. Son instrumentation apparemment simple mais en réalité tellement fine, ces odes au bonheur que sont “God Only Knows” (selon le bassiste, la “plus grande chanson jamais enregistrée”), l’instrumental fantastique “Let’s Go Away For Awhile” ou les proprement terrassants “Caroline No” et “I Know There’s An Answer” (accompagné sur le CD par son impérial frère siamois “Hang On To Your Ego”), tout ici était absolument neuf, le génie de Wilson étant justement d’avoir voulu surpasser les Fab Four plutôt que de les égaler. D’où la suite logique, “Sgt Pepper’s...” et son emphase qui a tant vieilli aujourd’hui. Les morceaux de “Pet Sounds” sont pour l’auditeur plus que des amis chers. On parlerait plutôt de confidents, ces petits diamants jouant leur rôle à la perfection : on peut se projeter là-dedans. Cette matière parle et vit, même si son embarrassant génie onirique en fait un disque totalement irréel et parfois absolument inapprochable. En ce sens, “Pet Sounds” est certainement plus proche des chefs-d’oeuvre de Motown que de “Revolver” ou “Sgt Pepper’s...”. Et c’est tant mieux. NICOLAS UNGEMUTH