Rock & Folk

Jimi Hendrix Experience

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“ARE YOU EXPERIENCE­D” TRACK 19 67

Au début c’est une collection de singles, de ces tubes qui éclabousse­nt les hit-parades : “Purple Haze”, “Foxy Lady”, “Stone Free”, “Hey Joe”. Des gens de toute extraction sociale se reconnaiss­ent dans cette déferlante de guitare pour laquelle on va inventer les premiers adjectifs de la rock-critic naissante : sursaturé, groovy, pop. Derrière ses toms, Mitch mitraille. Et le petit Noel, obsédé sexuel, pétrit ses quatre cordes bien rondes, comme les tétons d’une fille levée à Carnaby Street. D’où vient Hendrix ? Quelle est son histoire ? Nul n’en a cure. Lorsque la guitare de “May This Be Love” devient harpe ultrasoniq­ue, personne n’a envie d’entendre parler du passé. Seul existe un gigantesqu­e dieu noir vêtu d’extravagan­ts cabans à brandebour­gs (récupérés aux puces de Clignancou­rt). Toujours assoiffée de modernité, la vieille Europe est sous le charme. Hendrix est sans doute le premier électronic­ien, ne serait-ce que par sa façon d’ordonner les couleurs, acides, et de forcer les square, les cons et les gaullistes (bizarremen­t souvent les mêmes) à

entendre. Hendrix ? Il se sait marqué. Déjà sa trajectoir­e lui fait peur (“I Don’t Live Today”). Des pop stars anglaises il a copié tous les tics, toutes les afféteries. Au milieu d’un morceau, il s’exclame : “Isn’t it

a shame ?” tel un rocker mentholé, avant d’enfoncer des clous féroces, cisaillant court sa Strato, gravant une des plus belles pages de la guitare électrique. Car tout ici est espoir, peut redevenir humble, acoustique (“The Wind Cries Mary”). Toute sa courte vie, Jimi Hendrix, affolé, cherchera une issue ascendante, une façon verticale de tirer sa révérence. Sur les quatre albums publiés avant l’OD, il explore les éléments. Sur celui-ci on trouve l’Air puis le Feu (“Fire”). Sur son île d’accueil, Hendrix ruminait l’Amérique, cette surf music inique qui avait battu en brèche son R&B à lui. Sur le dernier titre, “Are You Experience­d”, il s’offre donc une déjante acide à rebours et la peau objective des Beach Boys. Cut sur 1996. Remis à la mode par un film de Tarantino, Dick Dale (King of The Surf Guitar !)

couvre enfin “Third Stone From The Sun” et décrète : “Jimi, je suis toujours là, j’aimerais bien qu’il en soit pareil pour toi.” Après eux, le déluge. CYRIL DELUERMOZ

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