Rock & Folk

Bobbie Gentry

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“ODE TO BILLY JOE” CAPITOL 19 67

Bobbie Gentry a grandi dans l’Etat du Mississipp­i sur la mal nommée Money Road, entre Greenwood, où elle allait à l’école, et l’église de Little Zion où pourrait être enterré Robert Johnson. Bien qu’elle soit partie rejoindre sa mère en Californie à l’âge de 13 ans, toute sa musique vient de ce petit bout de terre abritant les coins les plus pauvres des USA. Bobbie Gentry, l’anti-chanteuse de gospel, dont les compositio­ns tournaient autour des mêmes accords de septième, écrivait aussi des textes sans pareil. Leur forme narrative rappelle Mark Twain, leurs thèmes sont semblables ceux de Faulkner, leurs personnage­s cousins de ceux de Flannery O’Connor. Quand, en 1967, ce mannequin de 23 ans diplômé en philosophi­e sort son premier album, elle a déjà enregistré des morceaux avec Jody Renolds, responsabl­e du classique “Endless Sleep”. Censé n’être qu’une démo qu’elle amenait chez Capitol, la major flaire le potentiel de la chanson “Ode To Billy Joe”, chantée par la jeune fille. Immédiatem­ent, on l’associe à Kelly Gordon qui vient d’écrire le tube “That’s Life”, enregistré par Sinatra. Afin de casser la monotonie très certaine de ses suites d’accords, Jimmie Haskell, arrangeur attitré de Ricky Nelson, écrit de délirantes parties de cordes et de cuivres qui dialoguent superbemen­t avec les textes et la voix de Bobbie. Le mélange des thèmes crus du Sud avec la sophistica­tion des orchestrat­ions font de cet album un cas absolument unique. Très logiquemen­t, le LP et le single éponyme se hissent en première position du classement pop, cette série de vignettes sur la vie rurale du Mississipp­i charmant la jeunesse américaine de l’été 1967. Qu’elle demande à son père d’accepter qu’elle l’accompagne en

ville (“Papa, Won’t You Take Me To Town With You”) où qu’elle converse avec d’étranges cordes mimant le son des insectes du Delta (“Bugs”), le charme limpide de cette voix laisse deviner une force de caractère rare chez les chanteuses blanches. Bien sûr, afin d’asseoir la légende, l’album se termine par la chanson “Ode To Billy Joe”, considéré désormais comme un chefd’oeuvre du patrimoine américain. A l’os, le texte s’offre le luxe de créer en 4 minutes 15 des personnage­s immortels, ce que nombres de romanciers n’ont jamais atteint en 500 pages. Bobby Gentry était une artiste gigantesqu­e. THOMAS E. FLORIN

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