Rock & Folk

Albert King

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“BORN UNDER A BAD SIGN” STAX 19 67

“Né sous une mauvaise étoile... Je suis plombé, depuis mes premières années/ Si ce n’était la malchance, je n’aurais pas du

tout eu de chance.” Peu de disques de blues dans ce numéro, constat terrible : le médium du genre reste le single et nulle discothèqu­e ne sera complète qui ne se réfère au R&F 314 (octobre 1993) dans lequel nous recommandi­ons les meilleures compilatio­ns de Howlin’ Wolf, Muddy Waters, Clarence Gatemouth Brown, Hound Dog Taylor ou BB King. Des trois rois, Albert est celui qui influença le plus les rockers blancs. Clapton vient immédiatem­ent à l’esprit mais également Stevie Ray Vaughan, Mike Bloomfield, Gary Moore ou Jimi Hendrix. Pourquoi ? La voix du roi Albert excellait dans une plainte brumeuse, sorte de gémissemen­t hivernal de l’homme qui a définitive­ment trop souffert. Son jeu de guitare était par contraste d’une violence rare. Le Roi était un slasher, comme Buddy Guy, Otis Rush ou Albert Collins mais, là encore, le tirant de ses cordes (qu’on imagine de la taille de câbles de bateau) va lui permettre, par la technique du bending, d’inventer un second gémissemen­t, une sorte de mélopée de la misère que crache son invraisemb­lable Gibson Flying V. L’effet final est celui d’un bébé qui sanglote... en tripotant un AK 47 chargé. La légende raconte que Jimi Hendrix pouvait chanter note pour note certains solos d’Albert King, ce qui devait drôlement égayer le Swinging London. Ce disque précis, enregistré pour Stax avec Booker T & The MG’s, section rythmique d’Otis Redding, de Sam & Dave et de Neil Young, reste un maillon important de l’histoire du blues moderne, Albert King étant le bluesman qui laisse le plus d’albums incontourn­ables de sa catégorie. Dès le deuxième titre, “Crosscut Saw”, Albert ouvre le tir avec un monologue parlé qui expédie Snoop Dogg et Ice Cube dans leurs cordes, rayon nains de jardin. Méchanceté, impact, volonté de toujours garder la main... Honteuseme­nt plagié par Stan Webb et son Chicken Shack, ce titre est un monument du blues moderne. Tout l’album sera une promenade le long des musiques du Sud, fleurant tour à tour le poulet frit, la limonade et le gumbo. La tranquille assurance du géant faisant le reste. Le fameux “Laundromat Blues” (en plage 9) sera un traumatism­e total pour tous les petits Blancs du blues. Un voyage à la source, quelqu’un ? CYRIL DELUERMOZ

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