Rock & Folk

Tim Buckley

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“GOODBYE AND HELLO” ELEKTRA 19 67

Avant le fils Jeff, il y avait le père Tim. Pas vraiment un père d’ailleurs, si l’on en croit le fils. Ce qui ne surprend pas à l’écoute de cet album. Un ange, oui. Une apparition, un extraterre­stre, mais sûrement pas un humain. Une voix, qui plane dans le suraigu sans jamais être insupporta­ble, inouïe, au sens propre, qui fera l’admiration de Jacques Brel, entre autres simples mortels touchés par la grâce que dégageait ce baladin céleste. Cet album, le deuxième de Tim, paru en 1967, est une merveille. Son premier, sans titre, était bon, mais sans commune mesure. Ensuite, il en enregistre­ra d’autres, jusqu’à sa mort tragique survenue en 1975, passant à travers tous les styles comme on passe à travers les murs : jazz, musique contempora­ine atonale, soul. Sans se soucier, du moins au début, de l’adhésion du public qu’il laissera souvent très loin derrière, égaré, hébété. Mais ici, tout est parfait : l’art est déjà à maturité et la forme reste accessible au profane. Profane est le terme exact tant cette musique tient de la révélation mystique. Impossible de rattacher le style Buckley à quoi que ce soit d’existant, à l’époque et encore moins aujourd’hui : il inventait ici une espèce de folk psychédéli­que où le vibraphone, les congas de CC Carter et la guitare sinueuse de Lee Underwood se posaient délicateme­nt sur un tapis de guitares douze-cordes jouées par Tim, avec ce son qui n’appartenai­t qu’à lui. Cet artiste prenait des risques à tous les niveaux : mélodiques, harmonique­s, rythmiques. Comme un jazzman, il ne jouait d’ailleurs jamais deux fois un morceau de la même façon. Cet album est donc une collection de chansons, toutes plus belles les unes que les autres, aux mélodies incroyable­s, aux paroles d’une poésie légère et poignante (écrites par Tim lui-même ou par son ami d’enfance, le poète Larry Beckett) et aux arrangemen­ts étonnants. Morceaux quasi moyenâgeux (“Knight-Errant”, “Goodbye & Hello”, pièce magistrale de plus de huit minutes enluminée de cordes et cuivres, une vraie symphonie), valses (“Carnival Song” et son orgue de barbarie, “Once I Was”) ou pop songs teintées de folk (“Pleasant Street”, “Hallucinat­ions”) ou de jazz (“Morning Glory”), il n’y a rien à jeter au cours de ces 42 minutes de pure beauté. Une musique de rêve, irréelle comme le souvenir de la chaleur d’un rayon de soleil matinal. STAN CUESTA

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