Traffic
“MR FANTASY” ISLAND 19 67
Le premier album de Traffic est probablement son meilleur (à égalité avec “John Barleycorn”, nous sommes d’accord). On est en pleine période psychédélique —
cf la (très belle) pochette — ça s’entend, mais les délires s’appuient ici sur un matériau qui permet toutes les excursions bizarroïdes, composé de chansons de premier choix et sur un groove implacable. La production de Jimmy Miller est une merveille. Cet homme (décédé en 1994 — nous lui dédions cette chronique), ancien batteur, est un malade de rythme : il suffit d’écouter la pulsation sur “Heaven Is In Your Mind” ou “Dealer” pour en convenir. Il ira par la suite revigorer les Rolling Stones pour ce qui sera leur dernier âge d’or, toutes percussions dehors (“Sympathy For The Devil”, “Honky Tonk Women”, etc). Ici, Miller insuffle un souffle incroyable à cette musique chatoyante, servie par l’un des tout meilleurs batteurs anglais, Jim Capaldi (par ailleurs grand auteur, disparu en janvier 2005) dont on ne comprendra jamais qu’il ait abandonné ses baguettes dans la seconde moitié de la carrière du groupe... A l’époque, il y a conflit entre Winwood/ Capaldi/ Wood d’un côté et Dave Mason de l’autre — le trio l’emportera — le gentil hippie ami des stars (Jimi Hendrix, George Harrison, Family, Neil Merryweither et autres). Du coup les trois compositions de ce dernier tombent un peu comme des cheveux sur la soupe. Mais permettent par comparaison de faire ressortir les merveilles que sont “No Face, No Name, No Number”, “Dealer” (une des plus belles chansons du monde) ou “Dear Mr Fantasy” (idem, ça en fait deux sur un seul album). Winwood chante comme un dieu et les interventions de Chris Wood au saxophone ou à la flûte sont superbes, toujours surprenantes, à la limite du freejazz (“Coloured Rain”) et donnent à Traffic ce caractère différent, totalement disparu avec leur auteur (mort à 39 ans, en 1983, des suites d’une pneumonie). Chef-d’oeuvre d’inventivité et de créativité débridées, cet album, “Mr Fantasy”, est emblématique des années soixante dans ce qu’elles produisirent de meilleur. Noter qu’une édition CD cumule les versions stéréo et mono, deux mixages bien distincts, avec des différences plus ou moins notables ( cf le solo de “Heaven Is In Your Mind”). STAN CUESTA