Steppenwolf
“STEPPENWOLF” ABC DUNHILL 19 68
La vie sauvage ou le bruit du moteur avant le hurlement du loup des steppes. Plus que le livre de Hermann Hesse, Steppenwolf restera à jamais associé à ces héros méconnus aux guidons de choppers Harley dans le générique d’ “Easy Rider”. L’histoire commence avec une poignée de Canadiens en Californie. John Kay, chanteur d’origine prussienne, rencontre au sein de The Sparrow Dennis Edmonton, peu avant que celui-ci ne devienne Mars Bonfire et que le groupe se transforme en Steppenwolf. Le guitariste quitte rapidement la formation, dans laquelle joue également son frère Jerry à la batterie, mais il a tout de même le temps de lui léguer plusieurs titres, dont le “Born To Be Wild”. Lorsque Steppenwolf entre au studio American Recorders pour y enregistrer son premier album à l’automne 1967, le groupe qui avait beaucoup répété avant l’enregistrement sonne sûr de lui, incroyablement fort et puissant. Ce monument graisseux de rock acide, de blues et de hard rock s’ouvre avec une reprise salace et stylée de “Sookie Sookie”, chanson de Don Covay et Steve Cropper, avec laquelle Steppenwolf va d’abord envahir les ondes des radios soul, qui croient le groupe noir, et aident à largement diffuser la musique. Deux hommages au label Chess avec une version baveuse de “Hoochie Coochie Man” de Willie Dixon et l’hommage à Chuck, “Berry Rides Again”, viennent corroborer l’idée. Mais c’est bien avec l’hymne à la liberté individuelle “Born To Be Wild” que le groupe invente le terme “heavy
metal”, impressionne The Rolling Stones et annonce le temps des Dirigeables. Bandeannonce emblématique de la contre-culture américaine, la chanson sera reprise par des groupes comme Blue Öyster Cult ou Rose Tattoo, The Cult ou Kim Wilde. La machine Steppenwolf tourne aussi à plein régime sur la fin de l’album avec une version prémonitoire de “The Pusher”, titre antidrogue du compositeur folk Hoyt Axton, qui met en garde contre un dealer incarné par Phil Spector dans la scène d’ouverture du film de Dennis Hopper. Wyatt et Billy, les deux motards défoncés de “Easy Rider”, sont assassinées par les beaufs du café hard rock et ne se suicident pas. Qu’importe alors le point de vue des révisionnistes de 1968, époque dont ce disque incarne plus que n’importe quel autre l’esprit. “Steppenwolf” donne envie d’être vivant et d’en profiter pour l’éternité. VINCENT HANON