The Zombies
“ODESSEY AND ORACLE” CBS 19 68
Hormis les Kinks, qui sonnait autant à côté de la plaque en 1968 ? “Odessey And Oracle” est un délice britannique. Un disque fin comme la porcelaine, apparu quand le cirque rock célébrait murs d’amplis, cuir, drogues et marxisme pour les nuls. Rien de cela ici. Pour les Zombies, le désarroi est de mise au moment d’attaquer ce deuxième album (ils sortaient surtout des singles). Depuis le splendide “She’s Not There”, numéro un US en 1964, la carrière de la formation de St Albans décline. A la différence de Stones et Beatles, les Zombs n’ont pas la force d’enchaîner tournées harassantes et passages géniaux en studio. Ces Anglais, d’ailleurs, ne sont pas vraiment des rockers. Plutôt les rois d’une pop délicate et composée au clavier : piano, orgue, que maîtrise le brillant Rod Argent. La Rickenbacker de Paul Atkinson est au second plan. D’où ici, comme chez les Beach Boys, une richesse harmonique supérieure. En 1967, nouveau contrat avec CBS. A Abbey Road et à l’Olympic Studio, ils tentent leur dernière chance. Le temps est compté, mais les cinq ont travaillé un corpus de morceaux cohérents. Un enchantement, en réalité. Les plus belles sonorités des sixties sont là, imbriquées avec génie. Le Mellotron, pour des raisons budgétaires, supplante l’orchestre à cordes et nul ne s’en plaindra. Colin Blunstone, l’homme à l’atypique voix/ soupir est épaulé par Argent et Chris White. La troupe pose alors les plus beaux à-plats de choeurs du Royaume. On cite souvent la qualité des compositions d’Argent, il signe après tout le gold “Time Of The Season”, “A Rose For Emily” ou l’ouverture “Care Of Cell 44”, jubilatoire. Mais l’âme de ces gentilshommes, réside aussi dans les apports du discret bassiste Chris White. Pièces aux mélodies sublimes, où il est question d’amitié (“Friends Of Mine”), de regret amoureux (“Brief Candles”, “Beechwood Park”), ou de l’enfer des tranchées (“Butcher’s Tale”). Le disque, son titre mal orthographié et sa pochette polychrome (mais pas psyché) firent bien entendu un flop remarquable. Qui engendra séparation. En 1969, le sort transforma “Time Of The Season” en hit américain. Les Zombies étaient trop découragés pour se reformer. L’album, miraculeux, a depuis touché en plein coeur beaucoup de monde : les gens bien, les amis, Paul Weller, une amoureuse. Tous transmirent le joyau intime, merveilleux, à leurs proches, qui firent de même et ainsi de suite... BASILE FARKAS