Small Faces
“OGDENS’ NUT GONE FLAKE” IMMEDIATE 19 68
L’histoire aime les concepts et les images fortes. Tout comme on sait aujourd’hui que “Revolver” est meilleur que “Sgt Pepper’s...”, “Beggars Banquet” préférable à “Sticky Fingers”, ou “The Bends” largement supérieur à “OK Computer”, l’amateur des Small Faces ne reconnaît qu’un chefd’oeuvre absolu, le premier album paru chez Immediate, sobrement intitulé “Small Faces”. Mais l’histoire retient plus volontiers cet “Ogdens’ Nut Gone Flake” débridé, imparfait, mais effectivement capital. Sorti en 1968, “Ogdens’...”, dans sa grosse boîte à tabac, fit son effet. Rappel des faits : en 1968, les Small Faces ne sont plus les petits mods mignons de leurs débuts. En pleine hippisation, Marriott et sa bande sont à la recherche de crédibilité. Leurs pairs sont désormais considérés comme des artistes alors qu’eux pataugent encore dans une mare juvénile. “Ogdens’...” est donc censé devenir le grand oeuvre, celui qui amènera les mélomanes et non les nubiles. Effectivement ambitieux, l’album dégraffe son corsage dès le début. Le morceau titre, instrumental surpuissant faisant joujou avec la stéréo, enchaîne sur “Afterglow”. Puis on enlève le bas. Marriott, en chanteur soul minus, plante ici le chant le plus turgescent de sa carrière avec “All Or Nothing” et “Tin Soldier”. “Long Agos And Worlds Apart”, d’un McLagan en grande forme, promène son psychédélisme pastoral et “Song Of A Baker” préfigure le heavy un peu hagard, un peu stoned, des premiers Humble Pie. Arrive enfin le gros machin, ce “Lazy Sunday” qui propulsa le groupe dans les charts et dont le succès rendit malade Marriott au point de dissoudre le groupe six mois plus tard. En pleine quête du respect, c’est via une blague potache, enregistrée pour rire, qu’il se retrouve en haut des marches. Ce “Lazy Sunday” qu’on trouve encore aujourd’hui dans tout pub londonien et qui, en exagérant les farces vaudevilles des Kinks ou des Stones période “Something Happened To Me Yesterday”, devint l’hymne cockney incontournable. Et là, les choses s’embrouillent. L’ancienne face B (débutant avec “Happiness Stan”) est un sable mouvant dans lequel le groupe s’enlise, pas aidé, il faut le dire, par le comédien pythonesque déclamant l’histoire de Happiness Stan entre les plages. Mais ne serait-ce que pour cette extraordinaire première moitié, “Ogdens’...” reste un excellent cliché de cette fin des sixties anglaises. NICOLAS UNGEMUTH