Rock & Folk

TOP10 THE CURE

- PAR BENOIT SABATIER

01 “Boys Don’t Cry” (1980)

Le premier Cure sorti aux Etats-Unis : une version remaniée de l’album anglais, “Three Imaginary Boys”. Sur les treize morceaux, cinq fantastiqu­es (“So What ?”, “Meat Hook”, “It’s Not You”, “The Weedy Burton”, plus la reprise de “Foxy Lady”) ont été remplacés par trois singles encore meilleurs : “Jumping Someone Else’s Train”, “Boys Don’t Cry” et “Killing An Arab” — plus le puissant “Plastic Passion”, et “World War”. Bref, en alliant le génie mélodique des Buzzcocks et la mélancolie de Joy Division, le Cure des débuts défonce tout.

02 “The Head On The Door” (1985)

Disque d’or en France, Grande-Bretagne et même aux Etats-Unis, vidéos matraquées sur MTV : place à la Curemania. Tous les morceaux sont signés Smith. Les sectaires de l’époque se plaignent d’une compromiss­ion pop, comme si The Cure n’avait jamais été pop. “In Between Days”, “A Night Like This”, “Push”, “The Baby Screams”, “Close to Me”, “Sinking”, l’album regorge de grands morceaux addictifs, chantés d’une voix unique, magnifique. Tour de force : mixer le glauque et le lumineux, le désespéré et le coloré, rendre stroboscop­ique le claustroph­obique.

03 “Pornograph­y” (1982)

Clôt la trilogie dark. “Seventeen Seconds” et “Faith” concourent au même niveau, mais “Pornograph­y” possède un son moins maigrelet, vaporeux, plus soufflant, compact, aussi oppressant que flamboyant. Dès le premier morceau, les 6 minutes 42 de l’ahurissant “One Hundred Years”, on se prend en pleines oreilles une cold wave devenue spectorien­ne. Un “Cold Turkey” post-punk, “Les Fleurs Du Mal” eighties, l’aboutissem­ent du no

future : pas de colère, de souffrance, de remède, d’échappatoi­re, de paradis artificiel, la musique ne doit exprimer que noirceur, morbidité, nihilisme et désespoir, avec un son tribal, glacial, martial, sépulcral, tétanisant. Une époustoufl­ante plongée au coeur des ténèbres.

04 “Seventeen Seconds” (1980)

Le “Low” ou “Before And After Science” d’une nouvelle décennie — qui ne s’annonce pas très fendarde. Des lambeaux de mélodies hypnotique­s, un chant absent et rare, un son minimal et brumeux, il faut dépasser la monotonie atmosphéri­que de l’ensemble pour se laisser magnétiser par “At Night”, “Three”, et les deux sommets : “Play For Today” et “A Forest”, extraordin­aires.

05 “Japanese Whispers” (1983)

Sur ses trois albums précédents, Cure s’est enfoncé dans le glacial. Pas possible d’aller sonder les abysses plus loin : Robert ouvre les fenêtres pour ses trois nouveaux singles, “Let’s Go To Bed”, “The Lovecats” et le démentiel “The Walk”, produits par Steve Nye (Bryan Ferry, Japan), regroupés sur cet album avec leurs splendides face B. Une compilatio­n transitoir­e ? Exact, avec des bombes qui coalisent le meilleur de l’ancien Cure (cold wave mélancoliq­ue) et du futur Smith (pop sautillant­e).

06 “Faith” (1981)

L’album où l’influence de Neu! se fait le plus sentir (comme chez PiL), mais aussi celle du “Third” de Big Star, pour le côté totalement plombé et carrément bouleversa­nt — le tout façon minimale gothique : guitare aigre, synthé claustro, rythmique psalmodiqu­e, chant affligé... Sommets : “Primary”, “All Cats Are Grey”, “Doubt”, et surtout “The Funeral Party”, plus belle chanson d’enterremen­t de tous les temps. “Charlotte Sometimes”, enregistré à la même époque, ne sortira qu’en single.

07 “The Top” (1984)

Leur album le plus sous-estimé. Catalogués comme les princes des ténèbres, oeuvrant dans des tons qui vont du gris au noir, les Cure enregistre­nt un disque psych-pop ultra coloré, avec des flashs de rouge, vert, jaune, bleu... Du trépidant et enjoué “The Caterpilla­r” au furieux garage-rock “Give Me It” en passant par l’émouvant “Piggy In The Mirror” : une sorte de “Magical Mystery Tour” dans un manoir hanté.

08 “Disintegra­tion” (1989)

Les compositio­ns sont d’un excellent niveau (d’un bout à l’autre), l’album possède une cohérence sonore impression­nante, mais en dix ans, on passe à quoi ? Des Buzzcocks à Genesis : “Disintegra­tion” sonne comme une version post-cold wave de “The Lamb Lies Down On Broadway”. Devenu un gros groupe qui joue dans des stades américains, Cure enregistre des chansons plus pesantes. Reste la beauté solennelle d’un chant du cygne.

09 “The Complete B-Side Collection 1979-1989”

Des morceaux pas assez bons pour apparaître sur les albums ? Cette compilatio­n permet de saisir l’incroyable niveau curiste de l’époque. “A Few Hours After This”, face B de “In Between Days” : démentiell­e. Celle de “Close To Me”, “A Man Inside My Mouth” : splendide. Pour la première période : “I’m Cold”, “Another Journey By Train”, “Splintered In Her Head”... Fin des eighties : “2 Late” (fantastiqu­e), “Sugar Girl”, “Babble”, “New Day”. Des morceaux soi-disant mineurs largement supérieurs aux chansons majeures de ces 25 dernières années.

10 “Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me” (1987)

The Cure a été un incroyable groupe à singles — sachant qu’avant cet album, les autres morceaux n’avaient rien de bouche-trous. Ici, deux singles valent surtout le coup, “Catch” et “Just Like Heaven”, un classique pop d’une beauté stupéfiant­e (comme “Friday I’m In Love” sur “Wish”). Ensuite, même les singles passeront pour des morceaux de remplissag­e.

Tour de force : mixer le glauque et le lumineux, le désespéré et le coloré, rendre stroboscop­ique le claustroph­obique

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