Jo Passed
“Their Prime”
SUBPOP/PIAS
Quel est ce doux zéphyr qui souffle sur le label Sub Pop ? Après Moaning, Rolling Blackouts CF et les Forth Wanderers, tous auteurs de vivifiants opus, voici que la maison de Seattle déniche une nouvelle gemme. Sous le sobriquet Jo Passed se dissimule, donc, un certain Joe Hirabayashi, musicien canado-japonais sévissant depuis quelques années au sein de la scène de Vancouver, ville qu’il a dû délaisser pour Montréal sous la pression de loyers toujours plus onéreux. L’exil forcé, la peur de vieillir, le sentiment d’avoir laissé échapper ses meilleurs années, telles sont les angoisses qui inondent les textes cryptiques de ce premier album désincarné et versatile. S’il a été minutieusement composé en solitaire sur une période de trois ans, notre pâle trentenaire à l’impeccable mèche a, par la suite, assemblé un groupe tout à fait paritaire, deux garçons et deux filles, avec notamment la remarquable Bella McKee aux jaillissantes six-cordes. C’est ainsi qu’il a pu donner naissance à ces douze titres déstructurés, chétifs, imprévisibles, construits autour de mélodies obliques et de voix nimbées d’écho, rappelant Syd Barrett et John Lennon, et capables de se fracasser sur des murs de guitares saturées. Les plus caractéristiques en sont probablement la fascinante “Glass”, dont l’irrésistible décollage devrait souffler l’auditeur normalement constitué, mais aussi “Repair” et “RIP”. Les Pixies viennent aussi à l’esprit, notamment avec les rugissantes “MDM” et “Millenial Thrash Blues”. Enfin, Joe arrange lui-même de soyeux violons sur “Left” et la magnifique “Places Please”, conclusion apaisée d’un disque étrangement personnel, au charme certain, et forcément annonciateur de nombreuses splendeurs à venir. JONATHAN WITT