Lookés comme Hanoï Rocks
Aquarelliste à ses moments perdus, Alessandro Pignocchi s’est surtout fait connaître comme chercheur en sciences cognitives et philosophie. Après avoir constaté qu’une petite série de croquis, parfois, valait mieux qu’un long discours, ce chercheur a eu recours à ses pinceaux pour mieux venir en aide à la nature, toujours plus abîmée par l’homme. Avec ce deuxième volume prénommé “Petit Traité D’Ecologie Sauvage — La Cosmologie Du Futur” (Steinkis), Pignocchi explique avec humour et bon sens le pourquoi du comment d’un titre qui pourrait donner mal à la tête rien qu’en le lisant une fois. En gros, il s’agit d’une science qui démontre qu’il est peu recommandable de jouer avec la nature car elle fait partie de l’homme. A travers une série de saynètes mettant en scène les leaders de la planète ainsi que des mésanges punk non dénuées de bon sens paysan, cette BD indispensable résume, pour les plus réticents, pourquoi il n’est pas recommandé de se tirer une balle dans le pied.
La musique, comme le sport, est souvent difficile à représenter en bande-dessinée. Pourtant, à la lecture de ce “Blue Giant” (Glénat), belle saga prévue en dix volumes avec le jazz pour toile de fond, le mangaka Shinichi Ishizuka s’en sort admirablement bien. Alors que le jeune Dai Miyamoto pourrait être un lycéen comme un autre, il est accro à la musique de John Coltrane depuis plusieurs années. Plutôt que de se faire aider par ses amis qui écoutent du rock, il se rend tous les jours, quel que soit le temps, au bord de la rivière, pour tirer quelques notes de son saxophone. Un jour, il s’aperçoit que ces moments de solitude musicale ne lui suffisent plus. Il doit maintenant se trouver une formation pour montrer au monde ce dont il est capable. C’est alors la stupéfaction pour son entourage car Dai Miyamoto est l’un des piliers de l’équipe de basket du collège. Exécutée d’un trait dynamique, cette belle ouverture est d’autant plus prometteuse qu’elle est accompagnée d’une playlist de morceaux sélectionnée par Jérôme Badini de France Musique.
Tête de pont de la nouvelle bande dessinée chinoise, Zuo Ma mélange les styles dans une fusion entre rêve et réalité que n’aurait pas reniée Rage Against The Machine si le groupe avait eu des crayons dans les mains au lieu d’instruments de musique. “Entre Chien Et Loup” (Cornélius) est une succession de douze récits courts où l’auteur défend sa vision d’enfance de la Chine face aux dangers d’une industrialisation massive et sans concertation. A partir du bois où il s’amusait étant enfant, il met en opposition une nature opulente où il fait bon vivre avec des évènements étranges liés à la brutalité du monde moderne. Ainsi, tous les monstres et autres incongruités qui apparaissent au fil des pages sont liés à la pollution. Dès la première histoire où il est question d’un poisson-chat monstrueux, l’auteur fait intervenir des punks lookés comme Hanoï Rocks au milieu de paysans qui n’approuvent pas ce genre d’accoutrement. Loin d’être une fantaisie de l’auteur, ce choc des générations sert surtout à faire passer le message suivant : ce qui est apparent n’est pas forcément dangereux, contrairement à tout ce que l’on peut jeter dans l’eau sans réfléchir aux conséquences.
Pilier du neuvième art à la française, Joann Sfar n’est jamais aussi bon qu’enchaîné à sa table à dessins sans moyen de s’évader avant d’avoir accompli sa mission : enchanter les foules de lecteurs grâce à sa façon très personnelle d’imaginer des choses incroyables. Avec “Aspirine” (Rue De Sèvres), il sort de ses cartons le personnage aussi incroyable que roux d’une vampirette qui en a sa claque d’être toujours une adolescente en crise alors qu’elle a déjà 300 ans. Avec un look et des préoccupations dignes d’une fan de Marilyn Manson, Aspirine en veut à la Terre entière de n’avoir toujours pas évolué en véritable femme, contrairement à sa soeur aînée. Le mieux chez Sfar est sa façon de transformer une histoire au demeurant classique en lui injectant une dose d’humour décalé aux hasards des situations.