22 minutes de cris
Rééditions, nouveautés et 45 tours : le point sur les meilleures galettes microsillon du moment.
Rééditions Pink Floyd “Pulse”, “Relics” Pink Floyd
Album live enregistré durant la tournée suivant “The Division Bell”, “Pulse” avait marqué les esprits lors de sa sortie originale en 1995 avec sa pochette clignotante et ses visuels impressionnants. Le coffret de 4 vinyles qui avait été publié à l’époque est aujourd’hui réédité avec la même démesure (et un livret photographique d’une cinquantaine de pages). Côté son, c’est également très digne. De ce Pink Floyd années 90, Roger Waters est évidemment absent, pas Rick Wright, de retour aux affaires. Le groupe joue “The Dark Side Of The Moon” en intégralité, mais aussi ses tristes nouveautés de l’époque (“Sorrow”, “Learning To Fly”). Heureusement, Pink Floyd surprend avec une version solide d’ “Astronomy Domine” et la version sans doute définitive de “Comfortably Numb”. L’autre réédition, “Relics”, excellente compilation de singles et faces B qui permettait, en 1971, de retrouver les singles des débuts en 33 tours. Seul bémol : “Candy & A Current Bun”, “Apples & Oranges” et “Point Me At The Sky” manquent à l’appel, au profit de titres d’album (“The Nile Song”, “Interstellar Overdrive”...). Un choix absurde, mais qui n’ôte rien à la qualité du disque.
Hubert-Felix Thiéfaine “...Tout Corps Vivant Branché Sur Le Secteur Etant Appelé A S’Emouvoir...”, “Autorisation De Délirer”, “De L’Amour, De L’Art Ou Du Cochon ?”, “Dernières Balises (Avant Mutation)”, “Soleil Cherche Futur”, “Alambic/ Sortie Sud” Legacy/ Sony Music
Alors qu’il célèbre 40 ans de carrière, Hubert-Felix Thiéfaine a décidé que l’année 2018 serait sienne, avec en point d’orgue une tournée et la réédition de ses albums en vinyle. Ainsi, depuis le début de l’année, les premiers albums de ce poète à la plume singulière et à la gouaille vénéneuse reviennent avec une remasterisation remarquable. Les trois premiers le présentent comme une sorte de clown déviant, arborant de superbes bacchantes et entonnant des chansons à l’humour noir mordant (“Maison Borniol”, “La Fille Du Coupeur De Joints”, “La Vierge Au Dodge 51”, l’étonnante ode SM “Groupie 89 Turbo 6”). “...Tout Corps Vivant...” est même proposé avec un deuxième disque live inédit enregistré en 1978. Les trois disques suivants voient un Thiéfaine désormais imberbe opérer une mutation new wave sombre où il entonne des hymnes hallucinés (“Les Dingues Et Les Paumés”, “Mathématiques Souterraines”, “Stalag-Tilt”) dans des albums aux pochettes postapocalyptiques et aux textes nihilistes.
Laughing Hyenas “Merry-Go-Round” “You Can’t Pray A Lie” Third Man
Sous la houlette de Dave Buick, Third Man continue de revisiter l’histoire de Detroit en rééditant les albums de groupes locaux marquants. Durant les années 80 et 90, peu d’entre eux furent aussi effrayants et agressifs que les Laughing Hyenas, chaînon manquant entre la scène punk hardcore des eighties et le punk bluesy de la génération White Stripes. Les deux premiers albums reviennent augmentés de bonus (un disque entier pour “Merry-Go-Round”) et goodies divers. Une redécouverte essentielle.
The Petards “A Deeper Blue” Bear Family
Malgré leur nom francophone, les Petards étaient un des groupes allemands les plus populaires du début des années 60 en Allemagne. On a parfois tendance à oublier qu’avant le krautrock, le pays a comme partout connu une scène beat inspirée des groupes de la British Invasion. Sorti en 1967, “A Deeper Blue”, le premier album du groupe (réédité pour la première fois en vinyle depuis 50 ans) est une belle surprise. L’album contient douze originaux sous influence Yardbirds (“She Came Out At Seven”), dont quelques joyaux sertis de fuzz (“Confusion All Day”).
Straight Royeur “Fear Of A Female Planet” Dangerhouse Skylab
Le passé punk de Virginie Despentes est connu de tous, mais ce que l’on sait moins c’est que la romancière a officié au début des années 90 dans un groupe nommé Straight Royeur. Accompagnée de Cara Zina au chant (elle aussi auteure respectée aujourd’hui) et de Gilles Garrigos à la guitare, les deux jeunes femmes proposaient des textes libertaires et féministes sur des morceaux hip-hop. Une étonnante carte postale du passé, exhumée par les activistes lyonnais de Dangerhouse Skylab.
Dale Hawkins “LA, Memphis & Tyler, Texas” Bear Family
Auteur de l’immortel “Suzie Q”, immense tube en 1957, Dale Hawkins a passé l’essentiel des années 60 à produire d’autres artistes avant de se décider, à la fin de la décennie, à repasser derrière un micro. The Band était passé par là, et l’envie de faire un album blues et country lui collait à la peau. Enregistré dans les villes qui lui donnent son titre, “LA, Memphis & Tyler, Texas” voit Hawkins la jouer mistercool devant un parterre de musiciens de premier ordre (dont Taj Mahal, Ry Cooder et des membres de Mouse & The Traps). Avec ses cuivres sexy (“Back Door”) et ses boogies déglingués (“Little Cloud Rain”), rarement la musique roots n’aura sonné aussi fun.
The Breeders “Pod” “Last Splash” “Title TK” “Mountain Battles” 4AD
Pour accompagner le récent retour des Breeders, 4AD a eu la bonne idée d’en rééditer l’impeccable catalogue sur vinyle. Les deux premiers albums, publiés à l’époque du CD roi, étant particulièrement difficiles à trouver (ils n’avaient même pas eu droit à une sortie sous ce format aux USA), le geste est salutaire. “Pod” et “Last Splash”, enfin, sont accessibles à toutes les bourses, ce dernier étant le classique absolu du groupe de Kim Deal (notamment grâce au mégatube “Cannonball”). Ne manquent plus que les EP désormais.
Nouveautés Black Boys On Moped “Love... With A Little Bit Of Noise” Beast
On se souvient que les duos basse-batterie étaient à la mode il y a 15 ans. Les Bretons de Black Boys On Moped tentent un courageux revival sur leur premier album, dans une veine blues-punk nerveuse, plus proche de Bantam Rooster que des White Stripes. Soit 22 minutes de cris, de guitares stridentes et de chansons diablement bien troussées (“Get Me Out”).
Avale “Incisives” Specific/ Blackout Brigade
Une basse, une batterie, des voix féminines et un clavier lugubre. Avale n’a pas besoin de grand-chose pour créer sur son premier mini-album une ambiance dérangeante. En six titres — gravés exclusivement sur la face A, la face B étant occupée par une illustration — ce duo féminin aux aspirations cold wave fait mouche (“Béton Armé”).
45 tours Christophe Sourice “La Crise” Slow Death
Batteur et chanteur des Thugs — influent groupe alternatif français des années 80-90 — Christophe Sourice fait enfin ses débuts en solo avec ce 45 tours d’excellente facture. Comme sur les meilleurs singles, la nerveuse face B (“Le Mot De Trop”) est la vraie pépite ici.
Les Soucoupes Violentes “London Girl” Nineteen Something/ Planète Interdite
Autre groupe hexagonal important des années 80-90, les Soucoupes Violentes sortent un EP quatre titres malicieusement sous-titré “ZiLaïve IneZiStoudioIpi”. Le groupe y reprend The Jam (“London Girl”) et Slade (“Coz I Luv You”) mais brille surtout sur les originaux (tel “Ma Tête Sur Un Plateau”, au clavier sinueux).