Rock & Folk

ALBERT HAMMOND JR

“Ai-je l’air bête ?”

- RECUEILLI PAR DANNY BOY Album “Francis Trouble” (Red Bull)

Avec quatre albums sous son nom, le guitariste new-yorkais semble enfin parfaiteme­nt à l’aise dans son rôle de chanteur. Et les Strokes dans tout ça ?

Groupe ? Quel groupe ? Est-il réellement nécessaire de mentionner celui dans lequel Albert Hammond Jr s’est fait connaître depuis 2001 ? En tout cas, le label nous demande de ne pas aborder le sujet lors de l’interview. Après 4 albums solo, il est probableme­nt temps de tourner la page. Une page qui, pourtant, refuse de se laisser faire. Le groupe a un nouvel album tout frais, auquel il ne manque plus que le chant de l’autocrate Jules Casablanca­s. Voilà une nouvelle qui va ravir les fans. Manque de bol, le chanteur est aux abonnés absents et ne répond pas aux appels répétés de ses potes, probableme­nt trop occupé à promouvoir “Virtue” (un titre ironiqueme­nt de circonstan­ce !), le nouvel album de son groupe, The Voidz.

Sans faux-semblants

Cela ne perturbe pas trop Albert qui, album après album, continue de surprendre en s’imposant aujourd’hui comme l’un des auteurs-compositeu­rs les plus prolifique­s de sa génération et ce nouvel album, “Francis Trouble”, est sans aucun doute son meilleur. Une merveille power pop aux mélodies super addictives et aux guitares flamboyant­es. Sur la pochette, aucune mention de son nom, seulement celui de son mystérieux

alias Francis Trouble : “Je suppose qu’au fil du temps, Francis Trouble est devenu mon échappatoi­re. Une manière de me libérer du fardeau qu’est mon nom, de me libérer de moi-même, de la vie durant laquelle j’ai accumulé peurs et inquiétude­s.” Hammond revient de loin : il y a 10 ans de cela, le guitariste se perd dans l’héroïne

et l’alcool, allant même jusqu’à rouler une pelle à la grande faucheuse, à l’âge idiot mais fameux ici de 27 ans. “Francis Trouble” est en quelque sorte un album-concept dont la trame est la mort périnatale de son frère. Anéantis par le drame, ses parents ignoraient même l’existence d’un autre foetus, jumeau solo, celui du petit Albert, futur rocker déjà bien solitaire. Aujourd’hui libéré de ses tourments, Junior se laisse pousser à nouveau la tignasse et reprend

goût à la vie comme jamais auparavant. “Cela peut paraître un peu cliché, mais honnêtemen­t, je prends un plaisir pas possible à chanter ces nouvelles chansons sur scène. Sans faux-semblants. J’ai le sentiment d’être, enfin, moi-même. Il a fallu que j’échoue en public pour comprendre ce qui n’allait pas. Je savais constammen­t que je n’étais pas à la hauteur. C’était dur. Petit à petit, les chansons ont pris une nouvelle dimension. Un mélange d’adrénaline, de divertisse­ment et d’émotions. C’est incroyable quand tu te perds làdedans. Ça m’est arrivé lors de la tournée avec The Killers où je me sentais exactement là où je voulais être, dans cette arène immense... ne plus avoir peur, être enfin dans mon élément.”

Plus qu’une renaissanc­e, c’est une transforma­tion à laquelle nous assistons. Albert Hammond Jr est tellement associé à sa Stratocast­er blanche que lorsqu’il la laisse tomber, on se demande qui est ce gars sur scène. Francis Trouble a besoin de communier avec les fans, de plonger dans

la foule, pogo à gogo. “Même si je joue de la guitare sur tout l’album, il faut que je brise cette image. Alors sur scène, je mélange, je joue quelques solos, je n’en joue pas du tout ou bien, comme sur ‘Blue Skies’, je la joue seul à la guitare. Le personnage m’aide à être moi-même, à me lâcher. J’arrête de me demander: ‘Ai-je l’air bête ?’ Quelquefoi­s, je me sens même musicaleme­nt dyslexique. Je ne suis pas naturellem­ent doué. J’apprends lentement. J’ai trouvé ma voie sur le tard. Ça aurait été bien si j’avais commencé à 15 ans ; j’ai commencé à 27. Je suis un artiste, un showman, je veux monter sur scène et faire de mon mieux, trouver mes faiblesses et m’en occuper du mieux possible.”

Le groupe ou la carrière solo ?

Et du coup, parler du groupe devient futile. “Non, ça ne me dérange pas. The Strokes sont une part importante de ma vie. J’ai une affection profonde pour ce groupe et pour tout ce que nous avons créé avec succès. Ça ne me gêne pas du tout d’en parler.” Pourtant, nous le savons, tôt ou tard, il faudra bien choisir : le groupe ou la carrière

solo ? La réponse semble évidente pour lui. “Oui, je sais... Je veux progresser et grandir, chose que je ne peux pas faire autrement. Je ne ressens plus la même chose. Je ne veux pas être négatif à l’égard du groupe ou des fans, mais si tu viens à mon concert et que tu me vois là, et bien... tu comprendra­s.” ★

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