The Coral
“MOVE THROUGH THE DAWN”
Nous sommes en 2018, et, incroyablement, James Skelly va bien. Deux ans après l’inespéré mais inégal “Distance Inbetween”, The Coral se trouvait pourtant face à un défi de taille : montrer qu’il y avait toujours de la vie dans ce groupe anglais majeur du début des années 2000. La résurrection de The Coral après une longue pause avait été un événement suffisamment joyeux pour qu’on gomme les défauts de cet album, sauf qu’on attendait mieux de la part de ces fabricants de rêves pop, à commencer par de véritables chansons. Il va sans dire que la première diffusion de la pochette fluo de “Move Through The Dawn”, avec ses faux airs de bootleg japonais eighties des Beach Boys, laissait craindre le pire. Le premier single “Sweet Release”, dans la lignée de l’album précédent — du rock psychédélique à l’énergie, sans grande originalité, façon Oasis tardif — rassurait à peine. The Coral allait-il définitivement foirer son retour et terminer dans la catégorie des bons souvenirs avec d’autres ex-gloires qui ne vivent plus que sur la fibre nostalgique ? (Comment vont les Strokes au fait ?) Que les fans de ces merveilleux Scousers se rassurent : James Skelly et les siens sont dans une forme éblouissante. Derniers représentants d’une génération de groupes de Liverpool qui a enchanté l’Angleterre au début du siècle (Zutons, Stands, Rascals...), les trentenaires de The Coral poursuivent leur route malgré les déboires — dépression, départs des guitaristes Bill Ryder-Jones et Lee Southall, major qui lâche le groupe — et continuent leur poursuite de la chanson pop parfaite. Le line-up avec Paul Molloy à la guitare, inauguré avec “Distance Inbetween” — un album très électrique né de jams en studio où les chansons témoignaient d’une formation en recherche d’équilibre — est désormais bien rodé et “Move Through The Dawn” marque un retour bienvenu à la mélodie, l’obsession véritable de James Skelly et Nick Power qui démontrent ici qu’ils n’ont rien perdu de leur talent. Il y a dans “Move Through The Dawn” cette forme d’évidence qui caractérise tous les albums de The Coral. Celui-ci regorge de chansons entêtantes, immédiates (“Eyes Of The Moon”, avec sa basse tournoyante et son piano doux, comme à l’époque de “Pass It On”), qu’elles soient enrobées d’arpèges délicats (“After The Fair”), de choeurs aériens (“Eyes Like Pearls”) ou de guitares à la Byrds (“She’s A Runaway”). C’est l’album le plus ouvertement seventies du groupe, notamment en raison des sons de clavier de Power (“Strangers In The Hollow” pourrait être un titre d’ABBA ou de Fleetwood Mac), mais aussi le plus joyeux et léger depuis des lustres (“Love Or Solution”). On y entend même James Skelly chanter des choses positives (“Now my troubles seem sofa rawayfrom me”, dit-il en ouverture, sur “Eyes Like Pearls”), même s’il possède toujours la gravité nécessaire pour porter une mélodie sombre (formidable “Stormbreaker”). S’il joue à paraître ringard sur la pochette, The Coral n’a rien perdu de sa pertinence et de son génie. Ce nouvel album est ainsi une nouvelle réussite dans une discographie exemplaire. Les tournées nostalgiques attendront : The Coral va bien, et nous aussi.