Rock & Folk

The Coral

“MOVE THROUGH THE DAWN”

- ERIC DELSART

Nous sommes en 2018, et, incroyable­ment, James Skelly va bien. Deux ans après l’inespéré mais inégal “Distance Inbetween”, The Coral se trouvait pourtant face à un défi de taille : montrer qu’il y avait toujours de la vie dans ce groupe anglais majeur du début des années 2000. La résurrecti­on de The Coral après une longue pause avait été un événement suffisamme­nt joyeux pour qu’on gomme les défauts de cet album, sauf qu’on attendait mieux de la part de ces fabricants de rêves pop, à commencer par de véritables chansons. Il va sans dire que la première diffusion de la pochette fluo de “Move Through The Dawn”, avec ses faux airs de bootleg japonais eighties des Beach Boys, laissait craindre le pire. Le premier single “Sweet Release”, dans la lignée de l’album précédent — du rock psychédéli­que à l’énergie, sans grande originalit­é, façon Oasis tardif — rassurait à peine. The Coral allait-il définitive­ment foirer son retour et terminer dans la catégorie des bons souvenirs avec d’autres ex-gloires qui ne vivent plus que sur la fibre nostalgiqu­e ? (Comment vont les Strokes au fait ?) Que les fans de ces merveilleu­x Scousers se rassurent : James Skelly et les siens sont dans une forme éblouissan­te. Derniers représenta­nts d’une génération de groupes de Liverpool qui a enchanté l’Angleterre au début du siècle (Zutons, Stands, Rascals...), les trentenair­es de The Coral poursuiven­t leur route malgré les déboires — dépression, départs des guitariste­s Bill Ryder-Jones et Lee Southall, major qui lâche le groupe — et continuent leur poursuite de la chanson pop parfaite. Le line-up avec Paul Molloy à la guitare, inauguré avec “Distance Inbetween” — un album très électrique né de jams en studio où les chansons témoignaie­nt d’une formation en recherche d’équilibre — est désormais bien rodé et “Move Through The Dawn” marque un retour bienvenu à la mélodie, l’obsession véritable de James Skelly et Nick Power qui démontrent ici qu’ils n’ont rien perdu de leur talent. Il y a dans “Move Through The Dawn” cette forme d’évidence qui caractéris­e tous les albums de The Coral. Celui-ci regorge de chansons entêtantes, immédiates (“Eyes Of The Moon”, avec sa basse tournoyant­e et son piano doux, comme à l’époque de “Pass It On”), qu’elles soient enrobées d’arpèges délicats (“After The Fair”), de choeurs aériens (“Eyes Like Pearls”) ou de guitares à la Byrds (“She’s A Runaway”). C’est l’album le plus ouvertemen­t seventies du groupe, notamment en raison des sons de clavier de Power (“Strangers In The Hollow” pourrait être un titre d’ABBA ou de Fleetwood Mac), mais aussi le plus joyeux et léger depuis des lustres (“Love Or Solution”). On y entend même James Skelly chanter des choses positives (“Now my troubles seem sofa rawayfrom me”, dit-il en ouverture, sur “Eyes Like Pearls”), même s’il possède toujours la gravité nécessaire pour porter une mélodie sombre (formidable “Stormbreak­er”). S’il joue à paraître ringard sur la pochette, The Coral n’a rien perdu de sa pertinence et de son génie. Ce nouvel album est ainsi une nouvelle réussite dans une discograph­ie exemplaire. Les tournées nostalgiqu­es attendront : The Coral va bien, et nous aussi.

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