Oh Sees
CASTLEFACE/DIFFERANT Tout le monde se fiche de savoir si l’on doit orthographier le groupe OhSees, OCS ou TheeOhSees, et plus personne ne compte vraiment le nombre de ses albums. Derrière John Dwyer, on ne sait pas non plus trop qui fait quoi, officie, à la voile ou à la vapeur. Le géant tatoué de San Francisco, lui, y va, fidèle à son credo de totale liberté artistique, se laissant emporter au gré d’une quête sonique infinie. Davantage en paix avec lui-même, il se révèle ici guitariste extraordinaire, tissant des toiles chromatiques brodées d’idées folles et de sons venus d’ailleurs, que n’auraient pas reniés le Jimi Hendrix de l’Experience, John Cipollina de Quicksilver Messenger Service ou Louis Dambra de Sir Lord Baltimore. En tant que parolier, il s’avère fortement inspiré par le meilleur de la poésie psychédélique britannique. Au vu de la pochette de cet album qui pourrait aisément illustrer la couverture d’un roman fantastique et à l’écoute du single terrassant (“Overthrown”), certains en ont, trop hâtivement, conclu que la formation californienne virait metal. Il n’en est rien. En deux ou douze minutes, les titres cosmiques de ce vingt-etunième épisode sonore s’autorisent tous les formats, tous les dérapages, jusqu’aux ascensions éthérées (“C”) ou aux survols psychédéliques (“Moon Bog”) — à l’instar des voisins de palier Ty Segall ou, encore un peu plus loin, King Gizzard & The Lizard Wizard. C’est grâce à cette déconcertante facilité à prendre son temps et le contrepied de son époque, à faire ce qui lui plaît en dehors de toute règle, que Oh Sees fait sens. Pour le groupe de Dwyer, flotter dans l’espace relève du Graal. VINCENT HANON