Manset
“A Bord Du Blossom”
WARNER S’il n’était pas de Manset, cet album n’aurait aucune chance de sortir aujourd’hui chez une major... Notre homme a acquis, de haute et longue lutte, une sorte de passe-droit lui permettant de faire ce qu’il veut, quand il veut, comme il veut. Et d’obtenir, en retour, un respect sans égal. Ce n’est que justice : ceux qui ont connu nos tristes seventies se souviennent que, vers 1975, le rock français c’était Ange, Little Bob Story ou Manset. Entendre ses longs titres majestueux, tard le soir à la radio, pouvait changer une vie. Seul contre tous, il se hissait au niveau de groupes anglo-saxons comme Pink Floyd, les préférés d’alors. Quarante ans plus tard, tout a changé. Tout le monde révère Manset. Mais personne n’a plus besoin de lui. Pourtant, il continue à enregistrer des disques étranges, qui sonnent toujours pareil, sur lesquels il évoque encore et toujours d’obscures histoires du bout du monde remplies de références incompréhensibles — de la petite bière à côté de son dernier roman, “Cupidon De La Nuit”. A l’instar de son seul vrai maître, Léo Ferré, Manset n’a peur de rien, surtout pas du ridicule. Qui d’autre pourrait nous infliger cette histoire d’explorateurs des mers du 19ème siècle, ces passages parlés ou chantés par des nymphettes à l’insupportable phrasé R&B, ces sons de guitares ou de cordes ultra cheap ? Manset est anachronique, intemporel ou largué, au choix. En marge, il trace invariablement le même sillon, comme un Modiano de la chanson. Et son public suit. Par contre, cet album n’a aucune chance de charmer les néophytes, à qui l’on conseillera vivement, pour comprendre le génie de Manset, de se pencher sur son chef-d’oeuvre de 1978, l’indépassable “2870”. STAN CUESTA