Rock & Folk

Réédition du mois

Joe était là, c’était bon de le savoir

- NICOLAS UNGEMUTH

Joe Strummer

“JOE STRUMMER 001”

Ignition/ Pias Ce bon vieux Joe Strummer... On se souvient de ce jour, peu avant Noël 2002. La couverture de Libé : Joe n’était plus. A Rock&Folk, Nikola Acin, qui n’est plus lui aussi, était dévasté ; chez Sony, Christophe Servel, aujourd’hui également parti, l’était tout autant. Nous étions beaucoup dans ce cas. Peu importait qu’en réalité, on n’ait jamais vraiment suivi ses affaires en solo et que d’ailleurs, on n’ait même pas vraiment écouté le Clash après “Sandinista !”. Joe était là, c’était bon de le savoir. Nos adolescenc­es avaient été chapitrées avec “The Clash”, “Black Market Clash”, “London Calling”, “Sandinista !”. Les deux derniers encore plus qu’appréciés près de 40 ans plus tard. Joe Strummer semblait faire l’unanimité. On en connaît qui détestent Morrissey, Björk, David Bowie, Phil Collins, même Johnny Rotten. On ne connaît personne qui n’aime pas Joe Strummer. Il y avait cette bienveilla­nce dans son regard rieur. Il y avait aussi cette voix si attachante. Un peu déchirée, indomptabl­e. Son phrasé grandiose, ses improvisat­ions, en particulie­r sur “London Calling”. Il aurait pu devenir une sorte de Bruce Springstee­n anglais, chanteur pour les blue collars, comme on dit aux Etats-Unis. Ça n’a pas été le cas. Après la fin du Clash, Joe est redevenu ce qu’il était avant : une sorte de hobo moderne (et qu’on ne nous emmerde pas avec ses origines bourgeoise­s : le rock n’a jamais été un concours de prolétaria­t). Et c’est précisémen­t le sujet de ce coffret qui sort dans des éditions luxueuses ou basiques : Strummer avant et après le Clash. Il y eut, avant, les 101’ers et, ensuite, des albums avec Latino Rockabilly War, des musiques de films, des albums avec ou sans les Mescaleros, une tournée avec les Pogues. Des inédits également. “Joe Strummer 001” aligne le meilleur de tout cela. Il y a même une démo de “Letsagetab­itarockin’ ” datée de 1975. En écoutant le tout d’une traite, on se dit qu’il y avait plein de bonnes choses dans cette carrière sans Clash qu’on avait sous-estimée, dont on avait rangé les disques dans les rayonnages après les avoir écoutés une fois pour rarement y revenir. A l’époque, Strummer est dans un trip sono

mondiale. Influences hispanique­s, africaines, jamaïcaine­s (bien sûr), country, rockabilly, musique irlandaise... Forcément, parfois, ça ressemble un peu à la Mano Negra ou aux Négresses Vertes, mais en beaucoup mieux tout de même. S’il n’y a rien à la hauteur de ses splendeurs Clash, on trouve des trucs fascinants. Outre son excellente reprise du classique reggae “Ride Your Donkey” (“In a major key”), le coffret réunit de très bonnes choses comme “Yalla Yalla”, “Generation­s”, “Pouring Rain”, “Rose Of Erin”, “Afro Cuban Be-Bop”, “It’s A Rockin’ World”, son duo avec Johnny Cash le temps d’une reprise de “Redemption Song” et une démo de “This Is England” en version dub encore baptisée “Czechoslov­ak Song/ Where Is England”. Ainsi que des extraits de musiques de films (“Love Kills”) et quelques titres coécrits avec Mick Jones. Pour des raisons de droits, on suppose, les enregistre­ments live avec les Pogues sont absents, et c’est dommage. Que reste-t-il de ce corpus aujourd’hui ? Une musique vibrante, passionnée, qui ne cède pas aux sirènes de son époque, une somme d’intégrité, le mot qui semble le mieux résumer la carrière de cet Anglais épris de culture américaine (on l’imagine en train de chanter “I’m So Bored With The USA” et on se demande ce qu’il devait penser au même moment). On se souvient de vidéos le montrant haranguer les passants et distribuer des flyers annonçant son propre concert sur la promenade d’Atlantic City, souriant lorsqu’un quidam lui demandait “mais vous ne chantiez pas dans ce groupe, là, les Clash ?!”. Strummer répondait que oui en effet, mais ce serait pas mal de venir l’écouter le soirmême, son nouveau groupe n’étant pas mauvais. Il n’avait pas tort : les Mescaleros avaient du mérite. Et Joe, jamais aigri, donnait des concerts avec une ferveur intacte. Cette voix nous manque...

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