Rock & Folk

BILL RYDER-JONES

A West Kirby, sur l’autre rive de la Mersey, l’ancien guitariste de a enregistré un quatrième album à son image : beau et honnête.

- Basile Farkas

Concession­naire automobile, lobbyiste à Bruxelles, vendeur de poêles anti-adhésives sur les marchés... sont quelques-uns des métiers que Bill Ryder-Jones, 35 ans, n’aurait jamais pu exercer. Un garçon qui, dans ses chansons ou ailleurs, expose ses sentiments les plus intimes avec une brutale honnêteté. Depuis son départ définitif de The Coral, en 2008, pour des problèmes d’anxiété, l’homme du Wirral, cette péninsule encastrée entre Liverpool et le pays de Galles, s’est réinventé. Il fut un musicien pop génial dans le groupe des frères Skelly, “le meilleur guitariste de Liverpool” selon Ian Broudie des Lightning Seeds. Il est, désormais, un singer-songwriter épatant. “Yawn”, nouvel album très électrique, explore, à nouveau, des territoire­s sombres et personnels. Rencontre parisienne.

Les non-chanteurs

Rock&Folk : Est-il cliché de dire que vos albums sont comme des journaux intimes ? Bill Ryder-Jones : Il y a du vrai. Je parlais beaucoup de mon enfance dans “West Kirby County Primary” (le précédent, en 2015). Ici, je parle de ma vie actuelle. Mais, dans les textes, j’ai tout de même essayé d’être plus ambigu, cryptique. R&F : On note, à nouveau, un penchant pour l’électricit­é. Bill Ryder-Jones : Je devenais trop doux. J’ai tendance à faire des mélodies trop jolies. Ici, j’ai voulu être plus abrasif, susciter l’inconfort. Je voulais faire un disque qui demande plus de temps pour être apprécié. J’ai souvent été ce type qui marmonne les notes. Cette fois, j’ai essayé d’être plus vivant, chaotique. Je sais que je peux faire des choses avec une guitare acoustique, mais l’appel des amplis, de la distorsion et de la reverb est irrésistib­le. C’est quelque chose de spontané. Il y a beaucoup de passages instrument­aux dans le disque, car je veux que les gens puissent avoir du temps pour eux, sans m’avoir tout le temps dans les oreilles. R&F : Quels sont les guitariste­s qui vous ont marqué ? Bill Ryder-Jones : A l’adolescenc­e, la découverte de Jimi Hendrix fut quelque chose d’énorme. J’adorais aussi Nick McCabe au début de The Verve. Lou Barlow de Sebadoh, également. R&F : Votre voix est très en avant sur le disque. Plein de non-chanteurs — ce n’est pas une insulte — l’auraient mixée beaucoup plus bas, ou noyée dans la reverb... Bill Ryder-Jones : Nous avons un proverbe en Angleterre qu’il serait grossier de traduire : You can not polish a turd... Je n’ai jamais aimé ma voix, mais il faut assumer ce que l’on est. Si les gens n’entendent pas ce que je raconte, à quoi bon ? Et puis, j’adore les non-chanteurs, Stephen Malkmus, Lou Reed... R&F : Comment la conception d’un album se déroule-t-elle, quand on travaille seul ? Bill Ryder-Jones : C’est compliqué. J’oscille entre “je suis minable” et “je suis fantastiqu­e”... Une chanson est comme un paysage pour moi. Je commence vraiment une chanson quand je sais que je tiens une bonne mélodie. La mélodie a sa propre logique, tout le reste doit s’y plier, l’accompagne­r. Quand j’ai cette mélodie, je vais dans mon studio, je fais une maquette. J’enregistre un rythme de batterie et je construis l’instrument­ation. Je fais parfois énormément de versions, pour essayer des trucs. Il ne m’est que très rarement arrivé de sortir de ma guitare une chanson d’un seul coup.

L’air qu’on respire

R&F : Quelle importance l’histoire musicale de Liverpool a-t-elle dans votre vie de musicien ? Bill Ryder-Jones : Les Beatles, bien sûr, font partie de l’air qu’on respire. On apprend leurs chansons à l’école primaire. Puis, forcément, on découvre les autres groupes, les La’s, Teardrop Explodes, Echo And The Bunnymen — qui sont sans doute mes préférés. Une distinctio­n que seuls les locaux comprennen­t, c’est que nous, les membres de The Coral, ne venons pas exactement de Liverpool, nous vivons sur l’autre rive du fleuve. Et cette différence, les gens de Liverpool nous l’ont bien souvent fait comprendre. Nous n’étions pas assez cools pour eux. C’est pour ça que nous avons commencé à nous intéresser aux groupes gallois... R&F : Tous les musiciens du Merseyside ont une histoire à raconter sur Lee Mavers des La’s. La vôtre ? Bill Ryder-Jones : Désolé, je ne l’ai jamais côtoyé... Je suis sans doute le seul musicien du coin que Lee Mavers n’a pas essayéw de recruter pour reformer les La’s. Il a demandé à tous les autres membres de The Coral...

“Je devenais trop doux”

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