Rock & Folk

RUBRIQUESE­DITO

- VINCENT TANNIERES

On dit se faire des cheveux blancs, on débat blanc bonnet et bonnet blanc, on cite arme blanche, nuit blanche, page blanche, voix blanche, le blanc des yeux, examen blanc et carte blanche, Laurent Blanc et Tony Joe White, mariage blanc, saigner à blanc, blanchir de l’argent, avoir un blanc au théâtre, balle à blanc, noir sur blanc, blanc comme neige, faire chou blanc, cousu de fil blanc, fromage blanc, chèque en blanc, de but en blanc, blanc comme un cachet d’aspirine, souvenons nous du rectangle blanc, bière blanche et verre de blanc, bulletin blanc, bois blanc et... ce White Album, Double Blanc en français, qui nous occupe aujourd’hui, 50 ans après sa parution. Mais blanc, c’est comment ? Michel Pastoureau, historien, écrit dans “Le livre Des Couleurs” : “Le blanc possède un symbolisme solidement ancré dans le temps et quasi universel avec l’innocence, la lumière divine ou la pureté. Le monde contempora­in y a simplement ajouté l’idée du froid. Enfin, le blanc représente le cycle de la vie. Dans notre univers mental commun, l’enfance (le berceau) et la vieillesse (cheveux blancs, la sagesse) sont associés au blanc.” Début et fin de vie, donc. Et l’album du début de la fin pour les Beatles. Les photos d’eux, avant et celles d’après ce Double Blanc, sont plus nombreuses. Ici, elles sont rares. Et le photograph­e choisi, Don McCullin, un reporter de guerre ! Comme un signe. Visiblemen­t, difficile de faire bonne figure. Ou semblant. Ils s’entendent moins bien. Leur pays, c’est plus l’amour. On parle là de Beatles qui deviennent, au moment de cet album, leurs propres patronymes. On ne dira plus Paul et John, on dira désormais Lennon et McCartney. On ne dira plus George mais Harrison. On continuera de dire Ringo. Alors ce choix du blanc, attribué à Paul McCartney et au graphiste Richard Hamilton, en opposition à la luxuriance riche en symboles de “Sgt. Pepper”, n’est-il qu’artistique ? Certaineme­nt pas. On peut y voir, en vrac et en se trompant, l’évocation du blanc du deuil porté en Inde d’où reviennent les Beatles et qu’ils s’apprêtent, peut-être inconsciem­ment, à vivre dans leur amitié. On peut y voir cette lumière blanche décrite par ceux qui reviennent de parmi les morts dans les “Nouvelles Extraordin­aires” de Pierre Bellemare. On peut y voir l’absence d’idée, un désaccord entre les quatre fantastiqu­es ou l’envie de ne rien dévoiler des intentions du disque. On peut également y voir une saloperie envers Yoko. Le blanc évoquant aussi la mort au Japon. Mais au fond, qu’importe que ce soit celle-ci qui fut choisie. Bleu, vert, jaune, taupe, les intentions seraient décortiqué­es de la même manière et les interpréta­tions iraient bon train car on parle des Beatles. Qu’importe car, comme le pense Whoopi Goldberg : “Les Beatles n’avaient pas de couleur”. Elle parlait de leur peau. Et directemen­t de l’universali­té de leur musique. Bleu, vert, jaune, taupe, qu’importe donc, puisque c’est le blanc qui fut retenu.

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