DVD MUSIQUE
“GLASTONBURY 2000”
FIN JUIN 1971. David Bowie monte sur scène, seul, lors de la deuxième édition du festival de Glastonbury qui rassemble à peine plus de six mille personnes. La faute à une mauvaise organisation, il n’y chantera qu’un peu avant l’aube, mais sa prestation sera qualifiée de magique par de nombreux spectateurs, parmi lesquels le futur cinéaste Julien Temple (qui n’en croira pas ses yeux) et Mick Farren, écarté des Deviants (les trois autres membres du groupe deviendront les Pink Fairies) et alors sur le point de se consacrer principalement à l’écriture. La femme de Bowie et leur amie chanteuse Dana Gillespie, interviewée pour cette chronique, étaient du voyage : “David, Angieetmoi sommes allés à Glas ton bury entrain. Une fois sur place, il n’ y avait personne pour nous amener sur le site et nous avons dû marcher un bon bout de chemin. David et Angie portaient des pantalons taille haute, très amples, et donnaient l’ impression d’ être frère etsoeur.I lavait les cheveuxhyper longs et, elle, extra courts. Le festival étant terriblement mal organisé, nous avons attendu des heures. Les groupe sont joué en retard, trop longtemps et les techniciens qui travaillaient dans la pyramide étaient tous sous acide! C’étaitambiance peace and love, tout ça, mais, à un moment, on s’ est tout de même demandé si la prestation de David n’ allait pas être annulée. Finalement, il été contraint de passer le lendemain, vers cinq heures du matin. Au pied de la pyramide, dans la boue, les festivalier sont commencé à ouvrir l’ oei la lorsque le soleil dard ait ses premiers rayons, au sonde ‘Mem or yO fA Free Festival ’... Les gens sont sortis de leurs tentes pour accueillir cette nouvelle journée et il chantait, tout seul avec sa guitare .”
En fait, David Bowie était programmé le 22 juin, en début de soirée, juste avant Gong, mais à cause du retard, il n’a joué que le lendemain. Il s’est produit sur la Pyramid Stage, copie au 1/10ème de la pyramide de Gizeh, dessinée par Bill Harkin et construite à l’occasion de cette édition du festival. Il s’agissait d’une sorte d’échafaudage entouré de triangles de toile tendue et ouvert côté scène. Bowie n’a chanté que sept chansons ce matin-là, dont “Changes”, pour la première fois en public. A sa grande surprise, une jeune femme, dans un état tertiaire, l’a rejoint sur les planches pour chanter quelques harmonies vocales.
FIN JUIN 2000. Lors de son second passage à Glastonbury, en vedette cette fois, David Bowie va inaugurer la version la plus récente de la Pyramid Stage. Dans une de ses interventions parlées entre les morceaux, il fera allusion à cette choriste de 1971. Quelques mois plus tôt, Earl Slick a reçu le coup de téléphone que, plus ou moins inconsciemment, il attendait. Après les quelques concerts donnés dans la foulée de la parution de “Hours...” en 1999, David Bowie en a accepté une poignée d’autres, l’été suivant, dont un sur la grande scène de Glastonbury, vingt-neuf ans après y avoir joué pour la première fois. Slick, qui n’a plus tenu la guitare lead chez Bowie depuis le Serious Moonlight Tour en1983, va reprendre du service dans un groupe dont le directeur musical, suite au départ de Reeves Gabrels, est Mark Plati. Avant de traverser l’Atlantique, David Bowie et ses musiciens ont répété à New York, notamment des tubes dont les fans ont été privés durant l’essentiel des années 90. Deux concerts de chauffe vont être donnés les 16 et 19 juin à la Roseland Ballroom à New York. Le 25, la petite troupe se rend de Londres au site du fameux festival. En autocar, elle va mettre près de quatre heures à effectuer les deux cents kilomètres de route et, à cause d’une climatisation mal réglée, la moitié des musiciens, dont Bowie, en descendront souffrants. Mais il en aurait fallu plus pour lui entacher le moral : dans une veste longue coupée par Alexander McQueen, et portant ses cheveux aussi longs qu’en 1971, il grimpe sur scène devant un public de plus de quatre-vingt mille personnes, essentiellement britannique. Dire que David Bowie va donner là un des concerts de sa vie est un euphémisme et ceux qui y ont assisté sont (re)tombés sous le charme du singer-songwriter, humble et conquérant puisque capable d’ouvrir son show avec une ballade comme “Wild Is The Wind” et de le clore par “I’m Afraid Of Americans”, extraite de “Earthling” (aucun titre de “Hours...” n’a été joué ce soir-là). Entre ces deux extrêmes, Bowie, secondé par un groupe impeccable et respectueux des arrangements originaux, s’est donné à fond, ne reculant devant aucun hit (“China Girl”, “Ashes To Ashes”, “All The Young Dudes”) et laissant Earl Slick s’exprimer, notamment sur les titres de “Station To Station” (dont il était, avec Carlos Alomar, l’autre guitariste). Histoire de faire jaser ceux qui mettaient déjà ses années 80 en doute, David Bowie leur a asséné “Under Pressure” (en duo avec Gail Ann Dorsey), “Absolute Beginners” et une version de “Let’s Dance”, telle qu’il la jouera jusqu’à la fin de sa carrière de performer, avec une intro bluesy. Concentré sur son chant (pas d’effets de costume, il n’a tombé la veste McQueen que pour une autre, sombre et terriblement seyante), David a un peu échangé avec le public et, c’était visible, l’émotion l’a gagné à plusieurs reprises.
NOVEMBRE 2018. David Bowie est mort depuis presque trois ans. La major qui distribue ses disques et concerts (enregistrés et donc filmés – à la différence des Rolling Stones, le Bowie Estate met tous ses oeufs dans le même panier) vient de publier le coffret “Loving The Alien” et a annoncé la mise en vente du concert de Glastonbury pour le 30 du mois qui précède celui de Noël. Malin. Les Beatles agissaient de la même manière. “Glastonbury 2000” sera disponible en versions vidéo et audio (DVD, CD, vinyle...) et curieusement pas en Blu-ray, le standard actuel. L’artwork en a été confié à Jonathan Barnbrook, designer branchouille des pochettes de “Heathen”, “The Next Day” et “Blackstar”. C’est dire, si tout cela est sérieux et à quel point ceux qui commercialisent les archives du disparu savent choyer les vaches. A lait.