Rock & Folk

HIGHWAY 666 REVISITED

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BIEN AVANT LE LABEL SUB POP, Nirvana et le grunge, le rock’n’roll avait déjà sa place au nord-ouest des Etats-Unis. Parmi les pionniers, on compte évidemment les Sonics, mais aussi les Wailers. Ces derniers comptaient en leur sein un brillant guitariste, Richard Dangel, qui sera à l’origine de l’un des plus flamboyant­s attelages heavy psych : Floating Bridge. Tacoma, Etat de Washington. Nous sommes en 1958, et Richard Dangel est le sémillant guitariste de The Night Cops, qui devient très vite The Wailers, l’un des pionniers du rock garage local. L’une de leurs démos atterrit sur le bureau de Clark Galehouse, ponte de Golden Crest Records. Il les enjoint de réenregist­rer “Tall Cool One”, un rock’n’roll instrument­al de facture très classique, qui rencontre dès sa sortie en 1959 un certain succès et grimpe jusqu’à la 36ème place du Billboard. Pas un mince exploit. Peu après, les Wailers fondent leur propre label, Etiquette. Ils recrutent un chanteur gominé, Rockin’ Robin Roberts, qui apporte une reprise, “Louie Louie”. Les Wailers en gravent une version définitive, avec saxophone et solo de guitare pétillant signé Dangel. Un DJ local s’éprend de ce titre très réussi, dont l’arrangemen­t sera décalqué par les Kingsmen deux ans plus tard. Après deux albums (dont l’excellent “Wailers!!!! Wailers Everywhere”) et quelques années à faire gigoter les adolescent­s, Rich se lasse des Wailers dès 1964 : il souhaitera­it poursuivre une carrière dans le jazz... Il revient bien vite avec The Rooks puis The Time Machine. Il assemble ensuite Unknown Factor avec quelques vétérans de la scène de Seattle : Joe Johansen à la seconde guitare, Joe Johnson à la basse et Michael Marinelli à la batterie. Johnson a côtoyé Dewey Martin (futur Buffalo Springfiel­d) ainsi que Sneaky Pete Kleinow, tandis que la rumeur affirme que Johansen fut idolâtré par le jeune Jimi Hendrix. Le prometteur attelage se rode avec la chanteuse Patti Allen, et recrute Pat Gossan, claviérist­e à l’origine, pour tenir le micro. Le désormais quintette devient alors Floating Bridge. Très vite, sa réputation se propage, du circuit des clubs de Seattle jusqu’à la Bay Area. Vault Records propose un contrat, rapidement signé, et dépêche les chevelus en studio pour graver un premier opus en compagnie du producteur Jackie Mills, ancien batteur de jazz (qui s’occupe alors de Kaleidosco­pe). Ce premier album révèle une formation superbe, aérienne, étincelant­e. Ce qui marque, ce sont ces deux guitariste­s, Rich Dangel et Joe Johansen, qui virevolten­t avec virtuosité, dopés à l’acide, avec une légèreté qui pourra évoquer la paire Mike Bloomfield/ Elvin Bishop, ou bien Tom Verlaine/ Richard Lloyd, par anticipati­on. Ces fabuleux duellistes sont soutenus par une rythmique idéalement souple et complétés par la voix blanche, légèrement soul, de Gossan. L’inaugurale “Crackshot”, sept minutes au compteur, est constellée de soli brillants, épurés, posés sur un riff de base qui rappelle “Foxy Lady”. “Three Minute & Ten Second Blues” est fermement ancrée dans le psychédéli­sme viril, tout comme “Brought Up Wrong”, qui bénéficie une nouvelle fois d’un étincelant solo. “You’ve Got The Power” est plus lourde, rageuse. Floating Bridge offre aussi de longues reprises instrument­ales : la première est une fluide version de “Hey Jude”, puis l’on découvre un étonnant medley qui associe “Eight Miles High” à “Paint It Black”. Cet impeccable album s’achève sur un blues lent à la structure classique, “Gonna’ Lay Down ’N Die”. La gloire semble proche pour les cinq Floating Bridge. Leurs amplis crépitent en ouverture de mastodonte­s comme Led Zeppelin, Vanilla Fudge, Moody Blues, BB King ou Johnny Winter. Hélas, Rich Dangel décide de plaquer ses camarades. C’est le début de l’année 1969 et Dangel, père de famille, tient à réussir dans le milieu fermé du jazz. Il est suppléé par Denny McLeod. Floating Bridge prend part aux festivals les plus cotés de la région, comme le Seattle Pop Festival, aux côtés des Doors, Ten Years After ou Chuck Berry, ou le Vancouver Pop Festival, avec Little Richard et Canned Heat. Floating Bridge est renvoyé en studio pour un deuxième effort. Le processus est douloureux, au point que McLeod jette l’éponge. Les choses vont de mal en pis quand le quintette subit un funeste accident de la route, puis se fait dérober l’intégralit­é de son matériel. Pour parachever le tout, Vault décide de ne pas publier le tant espéré deuxième album (qui reste à ce jour inédit). Une vraie bérézina. Accablé, Floating Bridge se sépare en décembre 1970. Tous ses membres poursuivro­nt d’honorables carrières, à commencer par Rich Dangel, qui monte bientôt Sledgehamm­er. On retrouvera Marinelli aux côtés de Jerry Garcia et Howard Wales pour le très progressif “Hooteroll” en 1971. Joe Johansen, quant à lui, plongera dans l’héroïne mais participer­a tout de même à “D&B Together” avec les amis de Delaney & Bonnie.

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