DISQUES
PIAS Il manque quelqu’un à l’appel. Plus exactement, quelque chose : la voix de Jacco Gardner. On l’attend, la guette, la désire tout au long de “Somnium”. Mais non. Pas là, aucun chant. Pourquoi ? Peut-être Gardner était-il garé en double file — trop pressé, il a fait une croix sur les sessions vocales. Hypothèse aussi plausible que celle d’une décision artistique réfléchie. Jacco choisissant d’enregistrer un album instrumental ? C’est pourtant dans le format chanson, couplet-pont-refrain, avec chant et mélodies, que le Néerlandais a fait des miracles : en 2010 avec “Year One” (sous le nom The Skywalkers) puis en 2013 avec “Cabinet Of Curiosities”. Deux merveilles remplies de chansons au niveau des ténors de la neopsychedelia, les Nick Nicely, The Legendary Pink Dots, Paul Roland, Martin Newell... Tous les fans de ce Jacco Gardner-là vont tomber de haut avec “Somnium” — comme certains admirateurs des Beatles ont pu s’arracher les cheveux à l’écoute du “Electronic Sound” de George Harrison ou “Strawberries Oceans Ships Forest” de Paul McCartney. Les instrumentaux de “Somnium” n’ont plus grand-chose à voir avec Syd Barrett ou The Dukes Of Stratosphear : désormais, le Hollandais s’inscrit dans la filiation des musiciens seventies d’Outre-Rhin, les Cluster, Michael Bundt, Harald Grosskopf... Dans ce rayon-là, celui des vignettes électroniques surannées, Gardner se révèle également très doué. Evoluant dorénavant dans le domaine de l’ambiance, de l’atmosphère, il n’oublie pas, comme John Carpenter, de glisser des gimmicks mélodiques. Mais si, la prochaine fois, il pouvait choper une place de parking et prendre le temps de poser sa voix... BENOIT SABATIER