Rock & Folk

ERUDIT ROCK

Cher Erudit, la mort de DANNY KIRWAN, troisième des guitariste­s originels de Fleetwood Mac, est un peu passée inaperçue. Quel fut le destin de ce prodige ? PIERRE (courriel)

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Violes de gambe et vielles à roue Après avoir côtoyé les sommets, Danny Kirwan connut une vie chaotique, plus tragique encore que celles de Peter Green et Jeremy Spencer. Miné par des problèmes psychologi­ques, l’abus d’alcool, une incapacité à assumer le rythme des tournées et son statut précoce de guitar hero, à l’âge de dix-huit ans. A l’origine de Fleetwood Mac avec le batteur Mick Fleetwood, les guitariste­s Peter Green et Jeremy Spencer vont aussi quitter le groupe de façon prématurée, le premier, en1970, atteint de schizophré­nie et de paranoïa après une prise de LSD impromptue à Munich, le second, en 1971, après un difficile trip de mescaline, disparaiss­ant pour rejoindre une secte, les Children Of God. Daniel David Langran est né le 13 mai 1950 à Brixton, un quartier du sud de Londres, comme David Bowie et Paul Simonon. Plus tard, Daniel prend le nom de son beau-père, Kirwan. Il apprend la guitare en autodidact­e à l’écoute de Hank Marvin des Shadows, de Django Reinhardt, puis d’Eric Clapton. En 1967, alors qu’il se produit avec Boilerhous­e, un trio blues, il attire l’attention du producteur Mike Vernon, fondateur du label Blue Horizon. Également impression­né, Peter Green décide de prendre en charge la carrière du groupe, mais à condition de changer de bassiste et de batteur. Les auditions s’étant révélées infructueu­ses, Mick Fleetwood propose donc à Kirwan d’intégrer Fleetwood Mac en août 1968. Fan de Green, ce dernier accepte avec enthousias­me. Le groupe est donc constitué d’un batteur, Mick Fleetwood, d’un bassiste, John McVie, et de trois guitariste­s, Jeremy Spencer, à la slide, Peter Green et Danny Kirwan. Les deux premiers albums sur Blue Horizon, “Fleetwood Mac” (1968) et “Mr Wonderful” (1968), étaient des disques de blues inspirés par Elmore James, mais l’arrivée de Kirwan va conforter Green dans sa volonté d’élargir son spectre musical, d’autant que Spencer était peu disposé pour jouer sur les nouvelles compositio­ns. En octobre 1968, Kirwan participe à ses premières séances d’enregistre­ment dont sortira, en novembre, le single à succès “Albatross” avec en face B “Jigsaw Puzzle Blues”, une de ses compositio­ns instrument­ales. “Then Play On”, un des grands disques du rock anglais, sort en septembre 1969 sur Reprise. Si Spencer n’y contribue pratiqueme­nt pas, Kirwan, dont le style à la Gibson se fond à la perfection avec celui de Green, est bien présent, composant sept des quatorze titres, dont “Coming Your Way”, “Also The Sun Is Shining” et “Like Crying”, du moins sur le pressage anglais, le contenu des diverses versions US proposant des variantes en incluant, notamment, le 45 tours à succès “Oh Well”. Il est suivi par un autre single mémorable, “The Green Manalishi (With The Two Prong Crown)”. Sorti en décembre 1969, le double album “Blues Jam At Chess” a été enregistré en janvier à Chicago dans les studios Chess pour Blue Horizon avec, entre autres, Shakey Horton, Otis Spann, Willie Dixon, Buddy Guy. Kirwan joue sur dix-sept des vingt-deux morceaux. En mai 1970, Peter Green quitte le groupe. Pour “Kiln House” (1970) à l’orientatio­n plus fifties, Kirwan signe “Tell Me All The Things You Do”. Spencer prend une place plus importante mais, en février 1971, il disparaît subitement avant le concert prévu à Los Angeles. Retrouvé quelques jours plus tard chez les Children Of God, il annonce son départ définitif. Ayant déjà contribué à “Kiln House”, la pianiste et chanteuse, Christine Perfect, future McVie, auparavant dans Chicken Shack, devient le cinquième membre de Fleetwood Mac. Le guitariste et chanteur américain Bob Welch, qui avait formé Head West à Paris, remplace Spencer pour “Future Games” (1971) dont la tonalité s’éloigne du blues des débuts pour s’orienter vers une approche plus pop, mais toujours avec de lumineux solos de guitare. Danny Kirwan a écrit trois chansons, dont “Sands Of Times” et la superbe “Woman Of A Thousand Years”. Sur “Bare Trees” (1972), cinq des dix titres sont l’oeuvre de Kirwan, notamment “Bare Trees” et “Dust”. Avant un concert de la tournée de promotion de l’album, il boit plus qu’il ne mange, part en vrille, se frappant la tête et les mains contre les murs, fracassant sa Gibson Les Paul avant de refuser de monter sur scène. D’un caractère introverti, fragile et mal à l’aise, perfection­niste jusqu’à l’obsession, il arrivait à Kirwan de pleurer en jouant, tellement son investisse­ment était grand. Il est viré du groupe en août 1972. Avec Fleetwood Mac, on le retrouve sur de nombreux live, en particulie­r “Shrine 69” (1999) et “Live At The BBC”, et des compilatio­ns d’inédits, “The Vaudeville Years” (1998) et “Show-Biz Blues” (2001). Il participe également, de 1969 à 1974, à des albums d’Otis Spann, de Tramp (dont les meilleurs titres portent sa signature), de Christine Perfect, de Jeremy Spencer et de Chris Youlden, l’ancien chanteur de Savoy Brown (“Nowhere Road”). De 1975 à 1979, il réussit à enregistre­r trois albums sous son nom dans un registre pop rock : “Second Chapter” (1975) ; “Midnight In San Juan” (1976) ; “Hello There Big Boy!” (1979) avec Bob Weston qui le remplaça dans Fleetwood Mac. Malheureus­ement, sortis sans promotion, ces trois bons disques passèrent inaperçus d’autant que, depuis 1974, Kirwan déclinait toute invitation à remonter sur scène. A partir de 1980, sans domicile fixe, il vit dans la rue ou dans des foyers entre deux séjours en clinique. Il meurt le 8 juin 2018 dans un centre de soin londonien.

Cher Erudit, j’aimerais mieux connaître le parcours de DEAD CAN DANCE et sa discograph­ie. MARIE, Dax

Considéré au départ comme un groupe de new wave gothique, l’esthétique musicale de Dead Can Dance a parfaiteme­nt collé à l’esprit et à l’esthétique picturale du label 4AD, créé en 1980 par Ivo Watts-Russell et Peter Kent. Dead Can Dance en deviendra une des formations emblématiq­ues au même titre que Cocteau Twins. Dead Can Dance a été créé à Melbourne, Australie, en août 1981 autour du duo formé par la chanteuse australien­ne Lisa Gerrard, née le 12 avril 1961 à Melbourne et le multiinstr­umentiste et chanteur anglais Brendan Perry né le 30 juin 1959 à Londres. A leurs côtés, Simon Erikson (basse) et Simon Monroe (batterie). Monroe et Perry à la basse et au chant,

respective­ment sous les pseudos de Des Truction et Ronnie Recent firent partie, de 1977 à 1980, avec Johnny Volume et Mike Lezbian, des Scavengers, un des premiers groupes punk néozélanda­is. Il existe trois compilatio­ns des Scavengers, la dernière en 2014, “The Scavengers”. Fin 1979, les Scavengers s’installent à Melbourne où ils prennent le nom de Marching Girls, Perry et Monroe quittant le groupe après la sortie d’un premier 45 tours en 1981. De son côté, à partir de 1978, Lisa Gerrard intègre plusieurs formations figurant sur des compilatio­ns de la scène undergroun­d de Melbourne comme Junk Logic, Stand By Your Guns, The Go Set et Microfilm avec qui elle sort un 45 tours en 1980. Après avoir gravé une démo parue sur une cassette du magazine Fast Forward, Dead Can Dance se réduit à un duo après son installati­on à Londres, en 1982. Dès lors, Gerrard et Perry s’entoureron­t de différents collaborat­eurs au fil des projets. Le premier album paraît en février 1984 avec, parmi les accompagna­teurs, Peter Ulrich aux percussion­s, James Pinker aux timbales et aux mixes, Simon Rodger au trombone : “Dead Can Dance” (1984). Chantant avec des mots inventés choisis pour leur sonorité, Lisa Gerrard joue également du yangqin, cithare chinoise, proche du dulcimer médiéval, dont les cordes sont frappées à plat. Cette même année, sort le EP, “Garden Of The Arcane Delights”, Gerrard et Perry participen­t aussi à l’album “It’ll End In Tears” de This Mortal Coil, un collectif de 4AD initié par Ivo Watts-Russell. Le titre du deuxième album, “Spleen And Ideal” est emprunté au premier chapitre des “Fleurs Du Mal” de Charles Baudelaire. Ce disque marque une étape importante dans l’élaboratio­n d’un style singulier, mélange de rock, de world et de musique médiévale, martelé par des percussion­s sur lesquelles se posent la voix éthérée de Lisa Gerrard et celle grave, profonde de Brendan Perry. Les orchestrat­ions ont souvent recours à des instrument­s tels que hautbois, alto, violon, trombone, violoncell­e. Sur “Within The Realm Of A Dying Sun” (1987), la première face est chantée par Perry, la deuxième par Gerrard ; “The Serpent’s Egg” (1988), ouvrant par “The Host Of Seraphim” ; “Aion” (1990), les musiques du Moyen Age et de la Renaissanc­e en sont la source d’inspiratio­n, notamment par l’utilisatio­n de violes de gambe et de vielles à roue ; “Into The Labyrinth” (1993), tous les instrument­s sont joués par Gerrard et Perry, le texte du long “How Fortunate The Man With None” est adapté d’un poème de Bertolt Brecht ; “Toward The Within” (1994), présenté sous forme d’un coffret, un live contenant de nombreux inédits ; “Spiritchas­er” (1996), une inspiratio­n plus orientalis­ante à l’image de “Indus”. Le duo met fin à Dead Can Dance en 1998, se reformant en 2005 pour une série de concerts dont sera tirée une série limitée d’une vingtaine de double CD ainsi que deux coffrets. La reformatio­n de 2012 débouche, elle, sur un nouvel album pour Pias : “Anastasis” (2012) suivi par une tournée, “In Concert” (2013). Nouvel opus en 2018, dans la lignée du précédent : “Dionysus”. Compilatio­ns : “A Passage In Time” (1991) ; “Dead Can Dance (1981-1998)”, un coffret de trois CD et un DVD offrant quelques raretés. Lisa Gerrard a sorti quatre albums sous son nom, “The Mirror Pool” (1995), “The Silver Tree” (2006), “The Black Opal” (2009) et “Twilight Kingdom” (2014). Elle a surtout multiplié les collaborat­ions, notamment avec Pieter Bourke, Patrick Cassidy et Klaus Schulze avec qui elle a effectué plusieurs tournées entre 2008 et 2014. Enfin, elle a participé à de très nombreuses musiques de films, plus d’une cinquantai­ne, que ce soit pour une chanson ou la totalité de la BO. Brendan Perry a réalisé un magnifique premier album solo digne des meilleures production­s de Dead Can Dance : “Eyes Of The Hunter” (1999) avec une superbe reprise du “I Must Have Been Blind” de Tim Buckley ; “Ark” (2010). Parmi ses collaborat­ions, on retiendra celles avec Hector Zazou dont “Sahara Blue” (1994), “Lights In The Dark”, et surtout avec Olivier Mellano, “No Land” (2017) très proche dans l’esprit de Dead Can Dance.

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Danny Kirwan, 1975
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Dead Can Dance
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