Thom Yorke
XLRECORDINGS/BEGGARS Si “Suspiria”, giallo sanglant réalisé en 1977 par Dario Argento, est devenu ultime film culte, c’est en partie dû à la BO époustouflante de Goblin, groupe prog rock transalpin devenu maître de l’horreur sonore avec ce score emblématique. Gros pari donc pour Thom Yorke, spécialiste des ambiances lugubres, qui s’attaque ici à un monument. Premier bon point, il joue la carte de la contreprogrammation avec “Unmade”, ballade neurasthénique au piano chantée d’une voix spectrale. Le reste est majoritairement instrumental, avec des interventions du London Contemporary Orchestra And Choir. Le flûtiste Pasha Mansurov intervient sur “Suspirium”, thème principal du film et premier single, qu’on imagine mal illustrant des images choc tant la douceur prévaut au long de ces 3 minutes 20 joliment dépressives. Parfois, le temps d’un interlude (“The Inevitable Pull”, “Belongings Thrown In A River”), on retrouve l’angoisse qui sourdait de la musique composée par Goblin, mais Thom Yorke préfère généralement opposer une indolence inquiétante et répétitive à la trépidation cardiaque des staccatos gothiques de Claudio Simonetti, Fabio Pignatelli et Massimo Morante. Majoritairement enregistrée avant le film, cette BO a donc été jouée pendant le tournage. A écouter sans le support visuel du remake/ hommage réalisé par Luca Guadagnino, l’album est une curiosité, plutôt conseillé aux fans de Radiohead qu’aux amateurs de films d’horreur. Influencé par le krautrock (“Suspiria” se déroule à Berlin en 1977), Pierre Henry et Vangelis, le chanteur de Radiohead n’a pas choisi la facilité. Ce qui rend, du coup, cet audacieux projet plus intéressant qu’une copie carbone des terrifiants et inimitables instrumentaux seventies de Goblin. OLIVIER CACHIN