Boney Fields
“Bump City”
Cette voix, cette trompette ! Boney Fields, celui du West Side qui chante et aplatit les pistons, a 60 ans, court entre Paris et Chicago, figure sur un tas d’albums, James Cotton, Lucky Peterson, Allison père et fils, Alpha Blondy, et enregistrait son premier disque il y a 20 ans. “Bump City” est le sixième qui porte son nom, mais sans la mention du band cette fois (The Bone’s Project). Section rythmique exceptée, ce sont pourtant les musiciens qui tournent avec lui en Europe, jusqu’aux cuivres. Eh bien, ce disque est fantastique, de plus en plus inflammable à mesure qu’il tourne, gagne en épaisseur et jubilation une plage après l’autre. L’homme au chapeau melon a toujours détendu son rhythm’n’blues funky sans complexe, avec la volonté d’être entendu plus loin que le cercle des mandarins de la soul et du jazz. Ici, il a fait venir une grosse guitare vindicative (Jo Champ) pour enfoncer le clou et mener cet assaut funk rock trépidant, ménageant des ouvertures vers un jazz explosif (“Around The Corner”), un groove plus pop (“Feelings”), hard blues (“Bow Legs”) voire péplum disco (“More”) sans le 4/4 de grosse caisse à 120 bpm, mais des hachoirs rythmiques, des tourbillons de cuivres, toutes sortes de toupies meurtrières, une énergie carabinée et aussi une bonne dose de sophistication (“I Got The Blues”, Boney Fields semblant chanter une ligne de xylophone). Les deux parties d’harmonica sont arrachées par Charles Pasi, en particulier “Ying Yang”, un titre du grand James Cotton. Voilà le son de Bump City, une métropole imaginaire où la fête ne finit jamais. Le samedi soir à Bump City, on ne farfouille pas à la galerie dans les rayons de la mort.