Rock & Folk

The Haunting Of Hill House

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La série Netflix du moment

— qui a terrifié à peu près toute la planète — est tirée d’un sublime roman de Shirley Jackson publié en 1959 et adapté quatre ans plus tard via l’un des plus grands chefd’oeuvre d’épouvante cinématogr­aphique : “La Maison Du Diable”. Le grand cinéaste Robert Wise y jouait la carte de l’expérience sensoriell­e avec des forces occultes en mouvement, mais toujours hors cadre. Comme si sa mise en scène captait la perception d’un monde aussi invisible que terrifiant. Presque l’inverse de “The Haunting Of Hill House” qui, au premier abord, semble se focaliser sur l’épouvante grand public. Voir cette terrifiant­e séquence où un spectre, allongé en lévitation, flotte à cinquante centimètre­s d’une femme tétanisée d’effroi sur son lit. Les effets fantomatiq­ues de ce style, le metteur en scène de “The Haunting Of Hill House” les a auparavant bien rodés. Né à Salem (ça ne s’invente pas) il y a quatre décennies, Mike Flanagan a tourné quelques longs métrages obscurs avant de se faire repérer en 2013 avec “The Mirror”, où une jeune femme voit sa vie brisée par un miroir maléfique. Adulé par une bonne partie des fans de fantastiqu­e, “The Mirror” était pourtant loin d’être le film d’épouvante de l’année. Idem pour ses deux suivants : “Ne T’Endors Pas” (les cauchemars d’un enfant qui prennent forme quand il dort) et le nettement plus commercial “Ouija : Les Origines” (une petite fille possédée par un esprit maléfique). Deux films qui respectaie­nt, de manière un peu simple, le cahier des charges de l’épouvante californie­nne. Pour autant, Flanagan y faisait preuve d’une certaine habileté technique. Notamment en évitant les effets faciles (dont les fameux jumpscare, changement brutal dans un plan destiné à faire sursauter le spectateur), lie agaçante du cinéma d’horreur contempora­in... Puis, avec “Jessie” (disponible sur Netflix), Flanagan entre enfin dans la cour des grands (Carpenter, Romero, Argento et compagnie) avec cette adaptation au cordeau d’un roman de Stephen King dans laquelle une femme est enchaînée à son amant mort dans un chalet isolé. Mais tout excellent qu’il soit, “Jessie” n’est pourtant qu’un brouillon du fabuleux et totalement immersif “The Haunting Of Hill House”. Dont, finalement, on lui pardonnera aisément sa distanciat­ion avec le chef-d’oeuvre de Robert Wise. Tout simplement parce que le projet n’est pas le même. En suivant le parcours traumatiqu­e de six frères et soeurs qui, ayant vécu leur jeunesse dans un manoir hanté, sont poursuivis par les fantômes de leur passé (au sens propre comme au figuré), Mike Flanagan rejoint la folie intérieure dévastatri­ce d’âmes de “Shining” de Stanley Kubrick. Carrément ! Jonglant, via de nombreux allers-retours, entre présent et passé, y compris dans les mêmes plans (l’étonnant épisode 6, tourné entièremen­t en plans séquences), faisant bifurquer ses protagonis­tes dans l’épouvante métaphysiq­ue (les fantômes, d’abord effrayants, finissent par faire partie de leur inconscien­t), s’installant au fil des épisodes dans une émotion absolue (la tristesse et la mélancolie prenant lentement le pas sur l’épouvante glacée), transforma­nt le personnage féminin principal (Carla Gugino, l’interprète de “Jessie”) en une créature gothique à la Bram Stoker/ Jane Austen, novateur dans quelques idées scénaristi­ques remarquabl­es (une femme suicidaire réalise, au moment où elle meurt, qu’elle était hantée par le fantôme d’elle-même depuis des décennies), “The Haunting Of Hill House” se termine en apothéose avec une vision de la mort assez poétique. Comme si l’au-delà se mêlait aux étoiles, au temps qui passe et à l’ éternité ...( en diffusion sur Netflix)

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