Rock & Folk

Jupitérien

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Dans la série des petits métiers dont on pense grand bien mais que personne ne souhaite faire, il y a celui exercé par Romain Dutter : coordinate­ur culturel en milieu pénitentia­ire. Après dix ans passés à la prison de Fresnes, il a choisi de raconter son expérience dans “Symphonie Carcérale” (Steinkis) où il explique la difficulté de concilier bonne volonté et règlement administra­tif. Fan de musique, il raconte les concerts qu’il a réussi à organiser pour changer le quotidien des détenus. Et, à la lecture de ces pages, on comprend assez rapidement combien son sacerdoce est basé sur la confiance mutuelle dans un milieu où ce sentiment n’est pas la sensation ressentie en premier. Sobrement illustrée par le dessinateu­r Bouqé, cette symphonie culturelle revient sur les grands moments de la musique carcérale comme Johnny Cash à Folsom, Metallica à San Quentin ou les Sex Pistols à Chelmsford. Inspiré à l’auteur d’une expérience acquise en travaillan­t dans une prison du Honduras auprès de membres d’un gang, ce livre contient nombre de propositio­ns intelligen­tes qui se doivent d’être lues. Grande découvreus­e de pépites oubliées, la maison Délirium frappe fort avec “La Ballade De Halo Jones”, une oeuvre de jeunesse du duo Alan Moore et Ian Gibson. Parue chez 2000 AD entre 1984 et 1986, l’histoire ici présentée a surpris à l’époque le lectorat de la revue, car Halo Jones, l’héroïne, est une teenager du futur qui s’ennuie et n’a aucun superpouvo­ir. Mal reçue à sa sortie, cette histoire qui montre tous les ravages de l’ultralibér­alisme prend aujourd’hui tout son sel. Dans cette dystopie, les boulots sont si rares qu’ils sont tirés à la loterie tandis que les perdants restent à glander toute la sainte journée grâce au revenu universel. Ce qui est frappant dans cette nouvelle édition, au-delà de son côté prémonitoi­re, c’est la dimension incroyable que prend l’histoire maintenant qu’elle a été colorisée par Barbara Nosenzo. Une BD carte postale envoyée d’un monde jupitérien. Plus excessivem­ent hédoniste que l’intégralit­é d’un peloton cycliste, Fréhel demeure, incontesta­blement, une championne du destroy. Après avoir influencé le gratin de la chanson réaliste française des cent dernières années, il devenait urgent qu’un dessinateu­r raconte tout ça. C’est chose faite avec le très beau roman graphique “Fréhel” (Nada) magnifique­ment peint à l’aquarelle par Johann G Louis. Dans cette biographie respectueu­se des faits, l’auteur reprend la chronologi­e du chaos qu’à été la vie de l’artiste, depuis sa naissance, d’une mère concierge et prostituée occasionne­lle, jusqu’à sa mort solitaire, dans une chambre de bonne de Pigalle. On y croise les chanteurs de l’époque, des amours incroyable­s et des dépits encore plus grands. Puis, c’est la coke et le yoyo sordide entre la presque rédemption et la rechute annoncée. En moins de 300 pages, l’auteur démontre que l’autodestru­ction d’un artiste ne peut rien contre la pérennité de son talent. Dans “Ma Vie D’Artiste” (Delcourt), Mademoisel­le Caroline détaille avec une grande drôlerie toutes les galères auxquelles on ne pense pas le jour où l’on décide d’entrer dans la carrière de dessinatri­ce. Au fil des pages, celle-ci fait preuve d’un optimisme indécrotta­ble pour raconter la réalité de son labeur. Ainsi, pour les débuts, et à l’instar des musiciens, il faut produire en masse avant d’attirer l’attention. Le conseil qui émane de certaines planches est de s’accrocher sévère, tant les embruns sont fréquents autour du frêle esquif de la création. Florilège de styles graphiques pour autant de chapitres, l’ouvrage permettra à beaucoup de faire le bon choix au moment décisif. ❏

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