Mystico-borderline
The Morlocks 6 OCTOBRE, PETIT BAIN (PARIS)
L’ambiance est moite pour la venue des bien aimés Morlocks, cheveux longs et cuir noir de rigueur. Leighton Koizumi, sosie capillaire de Joey Ramone, a rassemblé autour de lui un gang d’élite où brille particulièrement le frétillant soliste Bernadette, bien soutenu par une rythmique d’acier dopée par les giclures fuzz de Marcello Salis. Avec humour et bonhomie, Leighton orchestre une performance purement garagerock qui débute par deux reprises létales, “Killing Floor” de Howlin’ Wolf et “Teenage Head” des Flamin’ Groovies, avant de passer en revue la quasi-intégralité du récent et excellent “Bring On The Mesmeric Condition”, avec, en point d’orgue, la très Stooges “High Tide Killer”. JONATHAN WITT
John Carpenter 11 OCTOBRE, SALLE PLEYEL (PARIS)
Le maître de l’épouvante dont le génie musical autodidacte n’est plus à prouver, ne pouvait qu’exciter l’imposant public de ses fidèles à qui furent servis plus de quarante ans de thèmes puissamment accrocheurs, sur un montage impeccable des cultissimes “The Thing”, “Assaut”, “Halloween”, “Fog”, “New York 1997”... Las, malgré l’immense admiration pour ce dernier des Mohicans, la déception gagne : la salle ne colle pas ; les lumières sont froides, trop crues ; le groupe — dont son fils Cody assure les synthés mythiques — joue heavy, mais c’est trop gras... La dimension psychique est perdue, les frissons avec. ALEXANDRE BRETON
The Coral 12 OCTOBRE, MOUNTFORD HALL (LIVERPOOL)
Vendredi soir dans la ville de briques et de brume, le groupe du Wirral, en pleine tournée anglaise, fait étape chez lui. Accueillis par une salle comble, mais sans effusion excessive, comme on salue les vrais amis, James Skelly et ses las donnent un concert tout aussi loyal. Les chansons avant tout. Celles des deux derniers albums, glam ou psychédéliques, mais toujours accrocheuses. Ces esthètes, bien sûr, piochent également dans leur magique catalogue : “Bill McCai”, “Jacqueline”, “Pass It On”, “Secret Kiss” ou, au rappel, “Goodbye” et “Dreaming Of You”. Quelques autres manquaient à l’appel mais, rien de grave, la seconde vie des brillants Coral, déjà en studio en train d’enregistrer de nouvelles choses, ne fait que commencer. BASILE FARKAS
Bloc Party 16 OCTOBRE, ZENITH (PARIS)
Six ans après son dernier retour, avec deux nouveaux membres, Bloc Party a décidé de donner sept concerts exceptionnels. Sept grandes villes européennes ont le droit de revivre en live “Silent Alarm”, leur premier album — reconnu comme un des meilleurs des années 2000. Si Berlin ou Amsterdam affichent complet, à Paris le Zénith a été boudé. Mais l’enthousiasme du public compense largement les sièges vides. Le premier slam fleurit dès “Luno”, la foule se transforme en chorale pour “Blue Light” avant de rugir sur “Banquet”. Enfin, sous une pluie de confettis, le charismatique Kele Okereke rassure les fans d’un “à bientôt”. AGNES BAYOU
Radio Birdman & Nashville Pussy 17 OCTOBRE, ALHAMBRA (PARIS)
Affiche électrique près de la place de la République où Radio Birdman croise ce soir le fer avec Nashville Pussy. Ça n’est pas mentir d’affirmer que la formation australienne vole haut la main la vedette à l’attraction américaine, originaire en fait d’Atlanta. En dehors de Ruyter Suys, extraordinaire guitariste entre Ted Nugent et Nita Strauss, le côté linéairement trivial de l’affaire fait vite pale figure face au répertoire intransigeant et sanguin du gang du Dr Deniz Tek qui alterne classiques de son cru et versions ahurissantes de chansons des Doors et Magazine avec une détermination implacable. VINCENT HANON
The Pretty Things 19 OCTOBRE, GONZAI NIGHT, MAROQUINERIE (PARIS)
Avec contrebasse et Jazzmaster, les Howling Jaws, précis comme des crans d’arrêt, jouent avec fraîcheur une musique inventée quand René Coty débutait son mandat. Il s’agit surtout, ce soir, de saluer une immense légende, car les Pretties sont en pleine tournée d’adieu. Le début a quelque chose de poignant : Dick Taylor, voûté sur sa guitare Harmony, et Phil May, les cordes vocales rouillées, semblent en peine. Le reste du groupe, heureusement, tient la baraque. Une poignée de titres de “SF Sorrow” et l’affaire est lancée. Sans faire semblant d’être jeunes mais avec une grâce bouleversante, les Pretty Things, 54 ans après leurs débuts, jouent une dernière fois leur éternel répertoire garage et rhythm’n’blues (“Rosalyn”, “LSD”). Mieux que des tubes, des classiques. BASILE FARKAS
Ry Cooder 21 OCTOBRE, OLYMPIA (PARIS)
Sacré Ry. Pour sa première tournée solo depuis des lustres, dont cet Olympia bien rempli constituait la dernière date, l’homme de Santa Monica choisit de partager les feux de la rampe avec les HamilTones, trio vocal soul du niveau d’un Curtis Mayfield et de ses Impressions. Riche idée. Les strates harmoniques pures, puissantes, contrastent à merveille avec son timbre plus monocorde, légèrement éraillé. Soirée très gospel (“Jesus On The Mainline”, “99½ Won’t Do”), un peu politique (couplet anti Trump sur “Vigilante Man”) et guitare parcimonieuse mais magique, à l’image des notes d’une clarté éblouissante sur “How Can A Poor Man Stand Such Times And Live?”. BERTRAND BOUARD
Connan Mockasin 25 OCTOBRE, CAFE DE LA DANSE (PARIS)
Se dévoilant en vieux professeurs de musique, les Jassbusters intriguent. Parmi eux, Mr Bostyn, alias Connan Mockasin, arbore coupe mulet, lunettes d’aviateur et cravate kitsch. Dans la salle comble, les premières notes résonnent. Juste avant, défilaient les images de son film “Bostyn ’N Dobsyn”, conçu pour accompagner un troisième album toujours aussi pop et psyché. Se débarrassant de son costume en dernière partie de soirée, il délaisse son groupe fictif pour jouer un bout de sa discographie avec indolence. Entre chaque chanson, le crooner kiwi susurre des blagues et s’amuse avec le silence. Le public, lui, se déhanche timidement et le regarde religieusement, comme suspendu à ses lèvres. CHAYMA MEHENNA
Greta Van Fleet 26 OCTOBRE, ELYSEE MONTMARTRE (PARIS)
Une interminable file d’attente se prolonge jusque dans la rue de Steinkerque tandis que les chevelus Goodbye June tentent de jeter un pont entre les Black Keys et Cage The Elephant,
avec quelques excellents morceaux comme “Good Side” et “Secrets In The Sunset”. La salle est archi-comble lorsque Greta Van Fleet s’élance avec “Highway Tune” puis l’ébouriffante “Edge Of Darkness”, qui permet à Jake Kiszka de griffer un long solo. Son frère Josh, en tenue d’Indien, maîtrise désormais parfaitement son organe, et le quartette livre globalement une performance assez proche de sa première venue parisienne, bien que moins enlevée : setlist presque identique, hélas sans “Lover Leaver (Taker, Believer)”, une intéressante reprise de Melanie (“Lay Down (Candles In The Rain)”) et toujours quelques moments d’une étourdissante puissance comme “Evil”, “When The Curtain Falls” et “Safari Song”. JONATHAN WITT
Killing Joke 27 OCTOBRE, CABARET SAUVAGE (PARIS)
On ne se plaindra pas que Killing Joke, célébrant quarante ans d’une trajectoire fascinante, ne remplisse qu’un (très honorable) Cabaret Sauvage. L’expérience n’en fut que plus hystérisante ! La setlist continue d’attaquer le cortex des spectateurs, encore KO des versions démentielles de “Unspeakable”, en ouverture rageuse, “Eighties”, “Requiem”, “Bloodsport”, “Pssyche”, “Love Like Blood” (dédié à feu Paul Raven) ou “Pandemonium”, lourdement assénées par le showman mystico-borderline Jaz Coleman et ses grandioses Youth, à la basse tellurique, Paul Ferguson en massue percussive et Geordie aux killer riffs... Sans blague ! ALEXANDRE BRETON
Kurt Vile & The Violators 29 OCTOBRE, CIGALE (PARIS)
La foule est fébrile : Kurt Vile et ses profanateurs sont de retour. “Loading Zones” lance un set jubilatoire, cohérent sans être uniforme, raz-de-marée électrique qui explose les limites du folkrock. Le Philadelphien enchaîne les titres savamment piochés entre son dernier disque (le contemplatif “Bassackwards”, “Yeah Bones”) et ses classiques (“Runner Ups”, “Wakin’ On A Pretty Day” et “Pretty Pimpin” en rappel), survolté, changeant de guitare à tour de bras. Le public, acquis, salue fervemment un concert d’une maîtrise débonnaire, clos par le désabusé “Peeping Tom” seul en scène, visage dans l’ombre. CHLOE MARECHAL
Slaves 29 OCTOBRE, TRABENDO (PARIS)
Vacances de circonstance, les cerveaux sont en congés et le tube Eurodance crétin “We Like To Party!” annonce l’entrée du duo punk qui, avec enthousiasme et la batterie primitive de “Sockets”, déclenche illico un lancer de pintes collégial puis transforme la fosse en échauffourée furieuse. Isaac et Laurie, les deux prolos anglais tatoués, l’un debout torse nu bombé derrière ses fûts et l’autre en équilibre sur les retours invectivent la foule mais surtout éveillent les consciences avec un sens du slogan qui tape dans le mille. La formule duo présente forcément quelques limites mais pas celle de botter des fesses pendant une heure immensément fun, achevée par “The Hunter”. MATTHIEU VATIN
Echo And The Bunnymen 5 NOVEMBRE, BATACLAN (PARIS)
Tous assis — la moyenne d’âge frôle les 50 ans : les ados des années 80. Le concert débute bille en tête par “Going Up”, premier morceau du premier album. Ian McCulloch affiche une forme exceptionnelle, à tous les étages — voix, humour, physique. Le groupe délivre des versions grandioses de “Zimbo”, “Rust”, “Over The Wall”. Une reprise de “Roadhouse Blues” est encastrée dans “Villiers Terrace”, “Walk On The Wild Side” dans “Nothing Lasts Forever”. Les sièges claquent pour “Bring On The Dancing Horses”, “The Cutter” et “The Killing Moon” : tous debout. Il y a de la nostalgie, mais surtout un présent bouillonnant, grâce à des chansons immortelles. BENOIT SABATIER
David Byrne 5 NOVEMBRE, ZENITH (PARIS)
A l’occasion de la sortie d’ “American Utopia”, le control freak new-yorkais s’est offert une tournée dantesque de 146 dates à travers le monde. Hormis la joie de réentendre une myriade de classiques des Talking Heads (“I Zimbra”, “Once In A Lifetime”, “Burning Down The House”) réarrangés, c’est surtout la scénographie qui happe la vue : un orchestre de douze musiciens et danseurs en mouvement perpétuel vêtus de costumes gris mais pieds nus, arpentent la scène. Chaque morceau est ingénieusement mis en valeur par une idée chorégraphique ou astuce d’éclairage qui rendent la performance proche d’un jovial ballet de Trischa Brown. La conscience politique jamais loin, Byrne pointe les dérives populistes contemporaines mais refuse de céder au découragement et est rejoint par Angélique Kidjo pour la vibrante reprise de Janelle Monáe “Hell You Talmabout” en guise de bouquet final. MATTHIEU VATIN